Concert de Renaissance
Au London Astoria / 157 Charing Cross road
Le vendredi 9 mars 2001 à 19h30
L’affiche du concert :
Beverley Martin en ouverture, puis Claire Hammill et Renaissance.
Quelle chance qu’une salle à Londres propose des concerts d’artistes et de groupes Rock parmi les plus talentueux, ayant œuvré dans les Seventies : Caravan, Barclay James Harvest, Wishbone Ash, Amazing Blondel, Uriah Heep, John Wetton (pour ne citer qu’eux) et introduise également des groupes de musique Rock Progressif de la nouvelle génération comme Spock’s Beard.
Cette soirée ‘100% chant féminin Seventies’ commence par Beverley Martyn (qui remplace Sonia Kristina, chanteuse du défunt et génial Curved Air, autre groupe culte des années 70 à sensibilité féminine) devant une salle à moitié pleine. Beverley est une chanteuse blonde, séduisante aussi bien par son physique que par son talent. Sa voix sensuelle se balance sur des ballades folk attrayantes, teintés de blues rock. Avec beaucoup de classe, de sensibilité et d’entrain, Beverley à la guitare acoustique et soutenue par un jeune guitariste chargé des harmonies et des solos, répand son charme durant 25 mn. Le public lui fait un bon accueil et en redemanderait presque si le timing de l’Astoria n’était pas si étroit. Business is business.
A peine le temps d’émerger de cette douce découverte que Claire Hammill (Est-ce la sœur de Peter, s’interrogent certaines personnes ?) enchaîne dans un tout autre registre. Ici le folk rock teinté de blues, pour cette dame des Seventies, est sombre, répétitif, genre longue complainte nostalgique et un peu angoissée. J’essaie d’écouter, de sentir….mais sans grand résultat. Le public ne semble guère enthousiaste non plus à en juger par les applaudissements légers maisrespectueux. Les deux musiciens qui l’accompagnent, un joueur de bongos et un violoniste, n’arrivent pas à faire décoller le jeu tendu de Claire Hammill. Quel contraste ! Quelques minutes avant, la scène de l’Astoria rayonnait dans un bain de sensualité, d’élégance, de séduction (tendant même parfois vers la facilité) et maintenant nous découvrons une femme au visage brun et dur, à la silhouette figée avec une voix rauque et un jeu de guitare minimum et répétitif. Ce n’est pas une critique, juste un constat, tout en reconnaissant tout de même une artiste sensible qui continue son chemin depuis presque 30 ans avec détermination et sans concession.
Après cette dualité qui me remet dans une neutralité émotionnelle, le grand moment arrive. De la sono retentit en guise d’ouverture le morceau éponyme du 1er album "Prologue" dans sa version orchestrale et symphonique. Et puis le groupe Renaissance fait son entrée en chair et en os dans une salle comble et envahit l’espace sonore avec "Carpet Of The Sun", petite mélodie superbe de l’album de 1972 ‘Ashes Are Burning’ et grand classique d’ouverture des concerts du groupe depuis l’origine.
Avec le second morceau, "Midas man", tiré de ‘Novella’ et construit sur une base chant-guitare, Renaissance a auditivement décidé de jouer la sécurité en douceur avant de se lancer dans les compositions du nouvel album. C’est à la fin de ce morceau qu’Annie présente le groupe : nous retrouvons de la formation originale Annie Haslam (chant, paroles) bien entendu, Michael Dunford (guitares acoustiques et compositions) et Terence Sullivan (batterie) auxquels est venu s’adjoindre Mickey Simmonds, clavier officiel du groupe (déjà présent l’an dernier, le 15 octobre 2000 pour le grand retour d’Annie à Londres après une absence de plus de 20 ans et en première partie de Caravan). Simmonds est aussi l’un des artisans du nouvel album ‘Tuscany’. Et puis deux nouveaux musiciens venus renforcer le groupe sur scène : l’un aux claviers et surtout au piano acoustique-sampling par des soli inspirés, Rave Tesar (qui joue dans le Annie Haslam’s band), et l’autre, David Keyes, à la basse rythmique par un jeu claire, mélodique et délicat.
Après cette mise en place ‘progressive’, un peu rigide, standard et routinière, "Lady From Tuscany" déclenche les hostilités harmoniques auxquelles Renaissance nous a habitués depuis 30 ans : beauté de la mélodie, alternance de douceur vocale et de puissance rythmique sans oublier les cassures de rythmique multiples, marque de fabrique du groupe, nous transportant dans des paysages évocateurs teintés d’arrangements classiques. De nouveau la salle frémit et je me retrouve 25 ans en arrière, en 1975 à l’Olympia où Renaissance (en première partie de Caravan. Encore eux !) avait donné l’un des seuls concerts de sa carrière en France à ma connaissance. Souvenir majestueux qui resurgit dans ma mémoire.
"Dear Landseer", second nouveau morceau tiré de ‘Tuscany’, est une mélodie attachante, sans surprise et qui fait retomber un peu l’ambiance symphonique qu’avait installé le morceau d’avant. Les petites faiblesses s’accumulent de plus en plus et laissent présager que le concert ne frisera pas l’exceptionnel. Quelques harmonies vocales limites et quelques petites erreurs dans la mise en place émaillent le concert. Mais ce serait mauvaise grâce que de leur reprocher cela, d’autant plus que Renaissance ‘new line’ manque encore d’expérience scénique. Non, le problème ne se trouve pas là ! Alors, où ?
"Northern Lights", ‘LE TUBE’ et extrait du disque le plus vendu de Renaissance ‘A Song For All Seasons’, n’apporte pas les espérances d’ambiance escomptées et n’arrive pas à remonter la pente. Sans compter que l’effet de faire chanter la salle tombe un peu à l’eau et pour cause : ce tube qui a cartonné aux USA, atteignant le top 10, est passé complètement inaperçu en GB. Et pour finir, les harmonies vocales, la force rythmique concentrée sur 4mn et surtout les arrangements de cuivres et de cordes qui font l’unique attrait du morceau sont un peu ternes, voire inexistants (…).
Annie, vêtue d’une grande robe noire élégante et sophistiquée, enchaîne sur 2 petits morceaux issus de ces 2 derniers albums solos : le premier "Ananda" (extrait de l’excellent ‘Dawn Of Ananda’) aux accents orientaux et angéliques, composés par Rave Tesar, et le second "What He Seeks" (tiré du décevant ‘Blessing in Disguise’) composé par Tony Visconti. Le problème latent pressenti depuis le départ se confirme ici sans ambiguïté. Il y a erreur sur le produit : l’affiche aurait dû mentionner Annie Haslam and Renaissance. Bilan des courses à mi-concert, l’atmosphère, dépouillée de sa nostalgie, stagne dans des compositions agréables sans surprises. Annie a pris en main le groupe aujourd’hui et impose ses musiciens, le choix de ses morceaux et ses textes (textes délicats mais qui n’ont pas la force poétique et rythmique de ceux de l’ancienne parolière Betty Thatcher). Ce qui est à la fois une force car le groupe ne serait jamais reparti sans le renouveau de sa chanteuse et aussi une faiblesse. Car la caractéristique de Renaissance, et cela depuis sa création par le tandem Relf-Mac Carty, est d’être un groupe ambitieux, novateur, flamboyant, capable de s’intégrer dans un orchestre symphonique (comme pour ‘Scheherazade’) et de produire des arrangements classiques de haute teneur. Il y a ici une légère confusion entre la carrière solo d’Annie Haslam et le groupe Renaissance, entre les mélodies (aussi courtes et belles soient-elles !) et les longs morceaux à développement symphonique, entre les claviers électroniques/sampling et les instruments acoustiques, surtout les cordes. Sans oublier le problème majeur : l’absence de John Tout (présent dans la salle comme spectateur) et de son grand piano noir et Steinway de surcroît. Et c’est du même mal que souffre un peu le nouvel album ‘Tuscany’.
Renaissance est avant tout un ‘combo acoustique’ et si la voix d’Annie est un élément essentiel à la réussite, ce n’est pas le seul. Même Jon Camp, le grand absent de marque, manque cruellement dans son apport de basse mélodique et solo.
Heureusement que le concert, après ce creux de la vague de 25mn, repart vers les sommets. Les compositions vont s’allonger progressivement. "One Thousand Roses" (3ème pièce et dernière pour ce soir, extraite du dernier album), de loin la plus ambitieuse et la plus longue de ‘Tuscany’, renoue avec la forme classique et symphonique. Nous avons droit, pour la première fois depuis le départ, à un véritable jeu de groupe puissant et troublant, bien soutenu par la batterie de Terry et la basse. Et puis viennent deux des meilleurs morceaux de la carrière de Renaissance : le Jazzy "Trip To The Fair" (de ‘Scheherazade’) qui nous vaut un duel de claviers entre la forme classico-jazz de Rave Tesar (particulièrement brillant dans les parties piano acoustiques et en particulier dans la longue intro où les tripes n’ont pas manqué pour ce voyage solo) et les formes Rock-Pop de Mickey Simmonds, et le sublime "Mother Russia" (de ‘Turn Of The Cards’) dédié en son temps à Soljenitsyne, qui provoque une explosion de joie dans le public. Et tout est oublié, les erreurs, le manque d’ampleur, les lourdeurs, même l’odeur d’oignons et de friture de l’Astoria ! Super ! Nous sommes sur la bonne voie(x). La température monte d’un cran. Quel va être le morceau suivant ? …..Stupeur ! C’est déjà la fin : 1h 15 mn de concert environ. La faute n’en revient pas au groupe mais à la gestion de l’Astoria.
Heureusement que le rappel durera plus de 20 mn avec la suite épique de "Ashes Are Burning", classique des classiques où chaque membre du groupe, après l’introduction de la somptueuse mélodie, se lance dans des expressions personnelles solistes. Et ça repart. Rave Tesar commence avec une improvisation jazzy construite et bien sentie, suivi de Dave Keyes le jeune bassiste américain discret jusqu’à maintenant, dans un style entre Jon Camp et Chris Squire (le noir et sulfureux bassiste de Yes), qui se révèle brillant dans un jeu clair, métallique et mélodique. Mickey choisit quant à lui le clavier mobile porté à l’épaule pour un solo ‘style lead guitare’ efficace et propre (un peu trop peut-être). Enfin Annie Haslam conclut l’affaire par une traditionnelle improvisation vocale sans surprise. Et Dunford me direz-vous ? Il est visiblement mal à l’aise sur scène et se cantonne dans son rôle d’éminence grise. Avec discrétion et talent, il assure l’essentiel à la guitare folk donnant la trame rythmique sans débordement. N’oublions pas que pendant les premières années d’existence de Renaissance, tout en composant la quasi-totalité des morceaux et en jouant les parties de guitare, Michael a refusé de faire partie du groupe. Et quand il l’intègre à partir de 1974, sa caractéristique scénique majeure est de jouer assis à l’extrême droite de la scène.
Grand moment tout de même que ce "Ashes Are Burning" dont je ne me lasse pas depuis 30 ans et qui résume à lui tout seul l’originalité de Renaissance et le génie de son compositeur Dunford (même si l’interprétation de ce soir ne fera pas date)……
C’est à cette instant précis où le groupe aurait pu gommer ses petites faiblesses et s’éclater sur un second rappel que la direction de l’Astoria décide ‘d’évacuer la salle’. Le public est discipliné et sort sagement au son de la sono, sans même tenter un rappel. Je n’arrive pas à me faire à cette coutume barbare du chronomètre. Je ressors dans la nuit londonienne de Soho, en solo, avec quelques ressentis et réflexions qui me trottent dans la tête.
L’impression d’ensemble est diffuse. Outre le ‘timingment correct’ de l’Astoria qui me g----e un peu, le concert en dent de scie, lui, me laisse sur ma faim. Mon esprit glisse doucement dans l’axe du viel adage (un peu modifié pour l’occasion) : " Qui aime bien, châtie bien avec douceur et dans un esprit positif et progressif ". Les nouveaux morceaux (3 seulement seront joués ce soir sur les 10 existants dans ‘Tuscany’ ! !), aussi séduisants soient-ils, ont du mal tout de même à tenir la route face aux grandes compositions classiques et épiques des Seventies. Tous les Albums de l’époque des années 70 ont été représentés ce soir par au moins un morceau (à l’exception de ‘Azure d’or’) et là encore c’est loin d’être un avantage. A vouloir contenter tout le monde, la dispersion pointe le bout de son nez. L’ambiance du lieu, plutôt dévolue à un genre Rock-Pop puissant style, Uriah Heep ou Wishbone Ash (avec bières et frites en prime qui furent présentes durant les 2h30 de la soirée), n’est guère adaptée à cette musique classico-folk aux effets nuancés et féminins (Je me mets à rêver un instant au Royal Albert Hall au même moment où la pluie reprend ses droits). Ah ! Si seulement un piano acoustique…, si John Tout était monté…, si Annie avait…., si, si, si….Oh là là ! Je suis sur le sol d’une déprime en fa. En dépassant Oxford Circus, je me ressaisis avec un de ces gâteaux fluo dont nos voisins pas très européens ont le secret. Mon mental s’éclaircit, le moral aussi: Malgré toutes ces faiblesses décortiquées par un chroniqueur un peu déçu et voulant retrouver les fastes du passé, nous avons là, en ce Renaissance 6ème mouture, un authentique potentiel créatif, le premier depuis 1978, c’est-à-dire depuis la fin de la 2ème formation.
Espérons que le groupe, déjà au point pour l’essentiel, gagne en finesse et se bonifie au fil des concerts et que ‘Prologue’ soit à ‘Tuscany’ ce que ‘Ashes Are Burnings’ sera pour le prochain CD c’est-à-dire la première pierre du nouvel élan. Et surtout que Renaissance redevienne un vrai groupe uni durant tout le concert et non un orchestre d’accompagnement à certains moments. (Problème qui devrait se solutionner lors de la sortie du second CD, si sortie il y a !).
Luc Marianni le 1-4-01 à Argenteuil
POUR ALLER PLUS LOIN
Set List du concert
" Prologue " diffusé par enregistrement en version symphonique juste avant le début du concert, suivi de " Carpet Of The Sun ", " Midas Man ", " Lady From Tuscany ", " Dear Landseer ", " Northern Lights ", " Ananda ", " What He Seeks ", " One Thousand Roses ", " Trip to The Fair ", " Mother Russia " et en rappel " Ashes Are Burning ".
Pour les personnes voulant découvrir Renaissance, les 8 albums des années 70 peuvent être achetés les yeux fermés jusqu’à ‘A Song For All Seasons’ inclus (1977) et à l’exception d‘Azure d’Or’(1978), avec une préférence personnelle pour ‘Turn Of The Cards’ pour les mélodies et le piano acoustique, ‘Scheherazade’ pour la suite grandiose de 23mn et ‘Novella’ par goût personnel qui renferme une petite perle passée inaperçue dans la carrière du groupe "Sisters". (3 albums en attendant la distribution officielle en Europe du petit dernier ‘Tuscany’(voir la chronique).
Les 6 Moutures de Renaissance pour info
1969- 1971 : Renaissance 1 né des cendres des Yardbirds avec Keith Relf, Jim Mc Carty, Jane Relf; John Hawken et Louis Cennamo (2 albums vinyle sortis)
1971-1978 : Renaissance 2 avec Annie Haslam, John Tout, Jon Camp et Terence Sullivan, et Rob Hendry (qui quitte le groupe après le 1er album) et auquel viendra se joindre officiellement Michael Dunford en 1974 (8 albums vinyle sortis)
1976-1979 : Reformation du Renaissance 1 sous le nom d’Illusion, (ne pouvant plus se servir du nom) avec Jim Mc Carty, Jane Relf ; John Hawken, Louis Cennamo, John Knightbridge et Eddie Mc Neil (2 albums vinyle sortis+ 1 album posthume)
1980 : Nevada n’est pas vraiment une formation de Renaissance même si l’on retrouve Annie Haslam, Michael Dunford and Peter Gosling (qui œuvrera dans le Renaissance 3 (1 album vinyle sorti)
1981-1983 : Renaissance 3 avec Annie Haslam, Jon Camp et Michael Dunford (2 Albums vinyle sortis)
1983-1987 : Renaissance 4 avec Annie Haslam, Michael Dunford, Raphael Rudd, Charles Descarfino et Mark Lambert (1 album CD live à titre posthume)
1995 : tentative de Renaissance 5 avec Michael Dunford, Betty Thatcher (Parolière déjà présente à part entière dans les Renaissance 2 et 3) et Stephanie Adlington, jeune chanteuse talentueuse (2 albums CD sortis)
1999- ? : Renaissance 6 avec Annie Haslam Terence Sullivan, Michael Dunford et Mickey Simmonds (1 album CD sorti)