Interview de Mike Dunford

Ces dernières années ont vu le retour de Renaissance sur le devant de la scène. En 1998, la reformation du groupe est annoncée, avec les anciens des années 70, Mike Dunford, Annie Haslam, Terence Sullivan et John Tout. En 2000, l'album "Tuscany" paraît, au Japon dans un premier temps. En mars 2001, le groupe donne des concerts à Londres et au Japon dans un line-up où Dunford, Haslam et Sullivan sont rejoints par le bassiste David Keyes, et les deux claviéristes Rave Tesar et Mickey Simmonds. En parallèle, Mike Dunford continue à travailler à son projet de comédie musicale "Scheherazade". En mai 2001, il a accordé une interview à Dave Owen pour Opening Out, the UK Renaissance fanzine. Il s'y est exprimé sur ces sujets ainsi que sur l'avenir de Renaissance. Dave Owen et Mike Dunford nous ont fort aimablement autorisés à traduire cette interview. Nous les en remercions vivement.

Opening Out : Parlons de "Tuscany" pour commencer. Les fans disent de cet album qu'il est la meilleure chose que Renaissance ait faite depuis les années 70. Etes-vous satisfait de l'orientation prise par cet album ou y a-t-il quelque chose que vous changeriez si c'était à refaire ?

Mike Dunford : Bien sûr, je suis satisfait de l'album mais je changerais bien une chose ou l'autre si c'était à refaire - c'est toujours comme ça - on enregistre toujours tout et puis on trouve qu'on aurait mieux fait de faire comme ceci ou qu'on n'est pas trop content avec cela. Il y a une chose ou deux que nous aurions pu faire mieux ou que nous aurions pu ne pas faire du tout, nous aurions pu avoir d'autres chansons. Les circonstances sont qu'au départ nous avions seulement l'intention d'enregistrer quelques nouvelles chansons et que finalement nous avons fait tout un album. Considérant que c'est le premier après tant d'années, et que nous sommes juste en train de trouver nos marques, de trouver notre voie, je suis, somme toute, très content du résultat.

OO : Avez-vous une chanson favorite sur l'album ?

MD : Pas vraiment mais je crois que, parmi celles que j'aime le plus, il y a "Dear Landseer". Ce fut une des premières qu'Annie et moi avons écrites ensemble pour cet album. "Tuscany" et "Dear Landseer" ont été les deux premières et, de ce point de vue, elles ont une signification particulière. Je voudrais dire aussi que, musicalement, elles représentent assez bien le son propre au groupe, avec le piano et la guitare acoustiques, avec les percussions et les arrangements orchestraux. Je crois que cela résume bien le son du groupe.

OO : Des chansons comme "Dear Landseer" et "Pearls of Wisdom" sont bien dans le style des albums des années 70. Avez-vous d'autres chansons, semblables à celles-là, en préparation ?

MD : Il n'y a rien à l'heure actuelle qui soit vraiment terminé mais des idées, oui, j'ai certainement quelques idées et quelques mélodies mais pas de chanson complète. Nous espérons avoir du succès avec notre album, ce qui nous permettrait d'en faire un autre.

OO : Pensez-vous à un changement de direction musicale comme le suggèrent "One Thousand Roses" et "The Race" ?

MD : Non, pas vraiment, je dirais que "One Thousand Roses" est assez bien dans la ligne de ce que nous avions l'habitude de faire ou bien a juste progressé un petit peu à partir de là.

OO : Mais il contient un solo de synthétiseur, ce qui est très rare chez Renaissance.

MD : Oui, mais la structure du morceau et tous ses éléments - à part le solo de synthé - sont dans la ligne de tout ce que nous avons fait avant. Pour "The Race", c'est un peu différent, c'est une idée qu'Annie et moi avions en tête depuis un temps et qui s'est développée en une espèce de chanson pour la voiture, pour le jogging ou pour ce que vous voulez et c'est un peu différent. Mais je ne dirais pas que ce soit notre direction, je ne crois pas qu'on retrouvera des lignes semblables à celles de "The Race" ou qu'il y aura des solos de synthé dans tout ce que nous ferons d'autre. Cela dépend simplement de la façon dont les choses se développent. La direction musicale de cet album a été, dans l'ensemble, plus ou moins dans le prolongement de ce que nous avons fait dans les années 70. Il y a eu un saut de plus de vingt ans mais la saveur est toujours là. Je pense que, de temps en temps, on doit essayer différentes sortes de choses et il s'est simplement passé que nous avions la chanson "The Race" en tête mais j'affirme que nous n'allons prendre de virage dans aucune de ces directions.

OO : Envisagez-vous d'enregistrer un autre album ensuite ?

MD : Bien sûr ! Nous aimerions bien. Nous essayons toujours de sortir "Tuscany" dans d'autres pays (que le Japon), nous avons quelques fers au feu mais rien de définitif à ce stade. Mais, oui, nous aimerions tous faire un autre album qui sortirait l'année prochaine. Toute la question est de trouver des maisons de disques qui soient assez intéressées pour rendre cela possible.

OO : Après le succès à l'Astoria et lors des concerts japonais, comment ressentez-vous cette renaissance du groupe ?

MD : Je trouve cela merveilleux. La première fois que le groupe a joué, bien qu'il y ait eu de nouveaux membres avec les anciens, tout a vraiment bien fonctionné. Nous avons vraiment très bien joué, comme si nous avions été ensemble depuis des années. Pour faire un concert d'échauffement, Londres n'est pas vraiment l'endroit idéal - normalement on le fait quelque part en dehors de la ville et puis seulement on vient à Londres. C'était très excitant pour nous, je sais que ce l'était pour les fans mais ce l'était également pour nous tous, comme ce l'a été d'aller au Japon voir tous ces fans et de jouer pour eux. Nous avons été submergés par les fans qui nous demandaient de leur dédicacer des albums. C'était incroyable - et certains d'entre eux les avaient tous. Cela nous a pris des heures de tout signer mais, pas de problème, cela fait partie de ce que nous avons à faire et c'est tellement réjouissant de constater que ces fans ont gardé leur intérêt malgré toutes ces années. Donc, oui, c'était véritablement merveilleux.

OO : Même s'il n'y a aucun doute quant au talent des trois nouveaux membres, aviez-vous des inquiétudes quant à l'accueil que les fans réserveraient au nouveau line-up ?

MD : Non, je ne crois pas. Evidemment, l'élément qui attire le plus l'attention est la voix d'Annie. Je ne dis pas que si c'était Annie et que tous les autres fussent de nouveaux venus… Mais elle avec Terry et moi, cela fait trois cinquièmes du groupe de départ. Quant aux autres, il est évident qu'ils connaissaient le répertoire, qu'ils avaient travaillé dessus un bon moment et que c'est le genre de chose qu'ils aiment. De plus, comme vous l'avez sans doute remarqué, nous avons vraiment aimé jouer ensemble. Je pense que les nouveaux se sont intégrés comme s'ils avaient été dans le groupe depuis des années.

OO : Une belle surprise a été David Keyes. On ne savait pas à quoi s'attendre mais son jeu de basse avait le style et le son qu'il fallait.

MD : Dave est un très bon bassiste et aussi un très bon chanteur. Il peut jouer dans toutes sortes de styles, et il le fait dans ses autres activités, avec d'autres artistes. Mais, avec nous, c'était particulier car, bien entendu, une bonne partie des notes et du style étaient ceux de Jon Camp – parce que c'est nécessaire pour les anciens morceaux. Mais je crois que, sur les nouveaux, il a apporté sa touche personnelle et ses propres inflexions, qu'il a mis sa marque là-dessus et qu'il est génial de ce point de vue aussi.

OO : Ils ont tous dû mettre leurs pieds dans les bien grandes chaussures de leurs prédécesseurs… Mais comment en êtes-vous arrivés à ce line-up à deux claviéristes, qui semble assez excitant pour l'avenir ?

MD : Oui, c'est excitant. Pour Annie, c'est habituel car, dans son propre groupe, aux Etats-Unis, il y a deux claviéristes. Mais pour Terry et moi, c'est une première. C'est la première fois qu'il y a deux claviéristes dans Renaissance - mais ça semble tellement naturel. Parce que c'est plus facile aujourd'hui qu'il y a quelques années de rendre, à l'aide de claviers, les complexités des parties orchestrales. Ca peut donner au groupe beaucoup plus de puissance, et on peut mieux valoriser les instruments parce que quand il n'y a qu'un seul claviériste, il doit avoir une main sur le piano et l'autre sur le synthé. Donc je pense que, oui, c'est quelque chose que nous allons garder.

OO : Avec le recul, ce que faisait John (Tout) dans les années 70 semble vraiment remarquable, surtout si on considère l'équipement dont il disposait.

MD : C'est juste, vraiment quand on y repense maintenant, on se dit "Mais Bon Dieu, comment faisait-il ?" ! Je veux dire qu'il jouait les arrangements orchestraux sur un orgue mais je crois qu'avec la technologie qui est disponible maintenant, nous pouvons nous en approcher aussi près que l'on veut sans plus avoir besoin d'un véritable orchestre. Cela joue un rôle vraiment important dans nos arrangements, pas dans tous bien sûr, mais dans une bonne partie d'entre eux, et donc il est certain que nous continuerons ainsi.

OO : Comme le concert à l'Astoria était un petit peu court, je crois que bien des fans qui étaient dans la salle espèrent revoir le groupe jouer dans un avenir proche. Avez-vous quelque chose de prévu ou bien en êtes-vous au stade des pourparlers ?

MD : Seulement au stade des pourparlers, en réalité. Le promoteur qui a mis sur pied le concert de Londres a dit qu'il pourrait nous organiser une tournée (anglaise), même sans que l'on sorte d'album. Il nous a dit aussi que si nous sortions un album, il pourrait nous organiser une tournée européenne et nous aimerions vraiment le faire. Une fois que nous aurons sorti "Tuscany" en Angleterre et en Europe, alors, en fonction des obligations des uns et des autres – car chacun a ses propres activités- alors nous pourrions organiser une tournée pour promouvoir "Tuscany" ici et en Europe.

OO : Pensez-vous que l'alchimie soit là qui vous permettra de continuer avec d'autres albums et d'autres tournées ?

MD : Oui, bien sûr, en ce moment, elle est là et c'est génial, les fans sont merveilleux et le back catalogue ainsi que le nouvel album se vendent bien un peu partout. Mais, bien entendu, nous avons besoin des maisons de disques et vous savez qu'avec des groupes comme nous, ce n'est pas très facile. Nous avons eu beaucoup de chance de signer avec EMI-Toshiba au Japon, ils nous ont accordé leur attention, ils nous ont vraiment poussés et ils ont promu le nouvel album aussi bien qu'on pouvait le promouvoir. Donc, ça a bien marché pour nous là-bas mais évidemment nous avons besoin d'un soutien semblable dans les autres pays. Nous dépendons de cela mais en ce qui nous concerne, nous nous sentons prêts à continuer.

OO : L'atmosphère à l'Astoria et les réactions des fans ont été étonnantes. Considérant qu'il y a seulement quelques années tout ceci semblait tout à fait improbable, vous devez avoir été vraiment contents.

MD : Je sais, quand on y repense, il y a quelques années, penser à faire un nouvel album de Renaissance, c'était déjà quelque chose mais alors, jouer en public ! Bonté divine ! Mais nous voilà, nous y sommes et nous le faisons ! Nous avons tous adoré le faire et nous sommes vraiment prêts à faire des tournées. Cela ne dépend que de la sortie de "Tuscany" et j'espère sincèrement que nous pourrons l'organiser dans les prochains mois.

OO : Je parle ici au nom de beaucoup, beaucoup de fans : nous sommes très contents de vous entendre dire ça.

MD : Génial. (rires)

OO : Où en est la comédie musicale "Scheherazade" ?

MD : Nous venons juste de terminer le workshop pour "Scheherazade" (NDT : un workshop désigne un ensemble de répétitions visant à faire les dernières mises au point pour le texte, la musique, la mise en scène, etc. d'une comédie musicale), nous l'avons terminé lundi (30 avril 2001) et, durant ces trois dernières semaines, j'ai voyagé à Londres, comme tous les autres l'ont fait. Nous avons eu la chance d'avoir une bonne distribution, de celles qui peuvent vous mener tout droit au West-End. Nous en sommes à réunir des fonds et nous espérons faire la première l'année prochaine. Ces choses prennent vraiment beaucoup de temps et, en ce moment, nous réfléchissons à tout le travail accompli durant le workshop, où nous en avons appris vraiment beaucoup. Ainsi, le spectacle était presque deux fois plus long qu'il n'aurait dû et l'histoire et le scénario n'étaient pas tout à fait au point. Shawn McKenna, l'auteur des textes, va refaire le plan du scénario au cours des semaines à venir et nous espérons faire la première au printemps. Il y a beaucoup de "si" et de "mais" et un des problèmes est de trouver un théâtre. Il n'y a pas beaucoup de théâtres disponibles et il n'est pas sûr qu'il y en ait un au printemps. Il y a aussi beaucoup d'autres spectacles qui essaient de venir à Londres et, en plus, nous devons pouvoir réunir la distribution et les personnes que nous souhaitons. Nous devons jongler avec tout cela mais, avec les workshops, nous avons énormément avancé au cours des derniers mois. Nous savons où nous en sommes maintenant et nous devrions bientôt avoir terminé le scénario. Tous ceux qui ont travaillé sur ce projet trouvent qu'il est magnifique et cela, c'est encourageant - beaucoup beaucoup mieux que ce qu'aucun d'entre nous n'espérait.

OO : En parlant de jongler, allez-vous pouvoir vous concentrer à la fois sur la comédie musicale et sur Renaissance ?

MD : Oh oui, c'est bien sûr une question d'organisation du temps. C'est sans doute plus difficile de jongler dans le cas de Renaissance, dont chaque membre a sa propre activité. Il y a d'un côté Annie, Dave et Rave qui sont aux Etats-Unis, où ils ont leurs différents projets et, de l'autre côté, il y a Mickey Simmonds, le second claviériste, Terry et moi. Tous les six jonglant, se mettant d'accord sur des dates pour une tournée, ce sera sans doute plus difficile que moi tout seul avec "Scheherazade". La somme de travail que cela représente… normalement il y a beaucoup de travail dans les répétitions, plusieurs mois avant le lancement. Mais une fois que le show est en place, qu'il est bien rodé et, je l'espère, qu'il a du succès, alors il ne prend plus autant de temps qu'il en a pris durant sa préparation. C'est assez, remarquez bien (rires).

OO : Je sais que nous avons déjà abordé ce sujet mais je dois vous poser la question : combien de temps les fans devront-ils attendre pour que "Tuscany sorte en Europe et aux Etats-Unis ?

MD : Eh bien, comme je dis toujours, nous aimerions tous qu'il sorte demain. Mais, à ce point, nous n'avons pas encore pu nous assurer les services de la maison de disque idéale. Il y a des choses qui se passent mais rien de concret pour le moment, et comme je l'ai déjà mentionné, c'est difficile. Je veux dire que c'est difficile pour un jeune groupe qui débute mais c'est encore plus difficile pour une groupe qui est arrivé à maturité, malgré le fait que nous avons une carrière. Tous les groupes et artistes semblables à nous ont le même problème - mais nous y parviendrons - c'est juste une question de temps, malheureusement.

OO : Et, bien sûr, j'ai entendu dire qu'il devrait sortir un album live suite à votre tournée au Japon. Savez-vous quand il sortira ?

MD : Il sortira plus tard dans l'année au Japon et, encore une fois, quel que soit le contrat que nous aurons, nous espérons le sortir en Angleterre et en Europe aussi. Evidemment, les deux sorties se feront chez la même maison de disques, et Tuscany sortira en premier. Donc, tout ce que je peux dire, c'est qu'il sortira au Japon un peu plus tard dans l'année, vers le mois d'octobre je crois.

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NDT : Depuis que cette interview a été réalisée (mai 2001), Renaissance a signé un contrat avec Giant Electric Pea (GEP), qui a sorti "Tuscany" en Europe en octobre 2001. GEP a annoncé que l'album live enregistré en 2001 au Japon sortirait en Europe au début de l'an 2002 et qu'une tournée européenne était envisagée à la même époque.

Nous remercions Mike Dunford et Dave Owen de nous avoir autorisés à traduire cette interview. Nous remercions aussi Annie Haslam de nous avoir autorisés à utiliser des photographies qu'elle a réalisées et nous remercions pour cela également The White Dove Organization et en particulier Grace McNally.

Jean-Luc Delcoux