Interview de James Mc Carty et Les Yardbirds

le 17 mars à 18H00 à Paris, Hôtel de Seine

Question : Quels sont les projets pour les Yardbirds, après cette re-formation et ces concerts qui vous ont permis de reprendre contact avec le public?

James : Nous avons signé un contrat avec Steve Vai qui a une compagnie de disques "Favoured Nations". Il a aussi ses propres studios. Steve Vai apprécie les Yardbirds. Le but est d’enregistrer un nouvel album avec des guitaristes connus.

Question : "Quand ce nouvel album des Yardbirds enregistré à Hollywood sera-t-il disponible? De quoi est il composé?

James : "Nous avons un problème dans la situation présente pour retourner avec l’ensemble du groupe en Californie donc je ne sais pas quand il sera fini. Si tout se passe bien, nous retournons à Hollywood en novembre. J’espère tout de même qu’il sortira en fin 2002. C’est ce qui est prévu.

La moitié de l’album est composée d’anciens morceaux (environ 6) dans lesquels jouent les guitaristes Joe Walsh de Eagles (souvenez-vous du puissant solo de "Hotel California"!), Joe Perry de Aerosmith et de Steve Vai.

(NB : la tradition des guitaristes héros est de nouveau respectée). Le reste de l’album est composé de 6 nouvelles chansons comme "Dream Within A Dream" sur un texte de A.E. Poe et qui se trouvait déjà sur un des albums de Pilgrim.

Q : Pourquoi enregistrer à Hollywood?

James : Pourquoi Hollywood? Parce je suis prévu comme acteur principal dans une nouvelle production hollywoodienne de Sherlock Holmes….

Non, c’est une plaisanterie! En fait, Steve Vai (autre guitare héros) qui nous a signé pour ce disque, possède son studio d’enregistrement à Hollywood !

Pour la sortie de l’album, un concert sera prévu dans une salle parisienne.

Q : C’est une bonne idée d’avoir de nouveau trois guitaristes aussi connus au sein des Yardbirds ?

James : Oui !

Q : Cela rappelle le second CD de Box Of Frogs, "Strange Land", qui était déjà, sans en avoir le nom, une sorte de ‘Yardbirds réunion’ avec sa pléiade de grands guitaristes puisqu’il n’y avait pas moins que Jimmy Page, Rory Gallagher, Jeff Beck et Steve Hackett de Genesis. Pourquoi ce disque n’a pas réussi à obtenir le succès mérité du premier album ?

James : C’est un mystère. Je pense que cela est surtout dû au fait qu’il y avait trop de chanteurs différents, un manque d’unité dans le chant.

Q : Quelles sont les relations aujourd’hui avec Jimmy Page et Jeff Beck. Tu n’as pas joué avec eux depuis Box Of Frogs ?

James : Je n’ai pas vu Jeff depuis longtemps. La dernière fois que je l’ai vu, il avait l’intention de faire une émission de radio sur le blues et il m’avait appelé pour voir s’il y avait une possibilité de collaborer ensemble sur ce programme de radio. Mais il n’y a pas eu de suite.

Avec Jimmy Page, nous avons quelques difficultés relationnelles. Nous avions la possibilité de sortir un disque des Yardbirds avec des compositions inédites. Il a empêché la sortie du disque, prétextant qu’il avait tous les droits. Nous avons donc arrêté le projet.

Q : Qu’est-ce qu’il y avait sur ces bandes ?

James : C’était en fait des vieilles chansons que j’avais enregistrées à New York avec Page, Relf et Dreja. Il y a un ingénieur de Sony qui les a miraculeusement retrouvées. Il m’en a envoyé une copie en prétendant avoir les originaux. J’ai envoyé ces morceaux à ma compagnie de disques en Angleterre en pensant faire un nouvel album avec tous ces morceaux nouveaux plus des chutes d’émissions de télé avec des mixages différents de Little Games. Et je ne suis pas parvenu à avoir l’autorisation de Jimmy pour ces morceaux. A partir de là, la compagnie a décidé tout de même de poursuivre le projet et d’enregistrer sans contrat avec les musiciens. Page a mis ces avocats sur le coup. La compagnie a dû arrêter définitivement le projet. Maintenant, le disque est tout de même sorti mais en pirate.

Q : Qu’est-ce que tu ressens face à ces centaines de disques sortis aujourd’hui, souvent de façon pirate ou illégale alors que les Yardbirds n’ont enregistré en tout et pour tout que 5 albums officiels ? As-tu un contrôle sur tout ce business ? Ressens-tu cela comme un ‘viol’ ?

James : Il y a eu tout de même quelque chose de positif avec la société de disques Rhino, récemment. Ils ont fait une collection de 50 morceaux des Yardbirds "The Yardbirds Ultimate" dans un coffret avec un beau livret relatant toute l’histoire et de très bonnes photos un peu inhabituelles (dont certaines signées Linda Mc Cartney), mais qui ne contient pas les morceaux de Jimmy Page (rires). Et il nous paie des droits d’auteur pour cela. C’est vraiment du beau travail.

Q : Rhino est une excellente compagnie qui produit entre autre le groupe de folk Hank Dogs et son 1er CD "Bareback" avec des vocaux féminins et des mélodies de toute beauté. Ils sont passés à l’Hôtel du Nord à Paris en concert acoustique. C’est une salle où beaucoup d’artistes anglo-saxons passent en concert en solo ou en petite formation acoustique.

As-tu déjà fait des concerts solo ou pensé à le faire? Pourrais- tu jouer ou chanter seul dans un programme radio, lors d’une interview ou dans cette salle très bien managée de l’Hôtel du Nord, comme cela se fait actuellement, sorte de mini-concert en direct?

James : Je n’ai jamais véritablement fait de concert solo. J’ai toujours eu besoin de jouer avec des grands musiciens.

Maintenant, pour répondre à ta question de passer seul en direct, en concert acoustique dans une émission de radio, cela ne me dérange pas, bien qu’il soit plus intéressant pour moi, si je chante, d’être accompagné dans les harmonies vocales par une voix de chanteuse.

Maintenant, pour les concerts avec le groupe, je pense au New Morning pour jouer à Paris. C’est une bonne salle mais je suis obligé de louer le lieu. Il faut verser 1600 Euros et s’occuper des billets… mais ils font tout de même la publicité.

Q : Concernant les compagnies qui ne paient pas ou qui ne tiennent pas leurs engagements, dans quel état cela te met ?

James : La compagnie de disques qui a l’essentiel des droits des anciens morceaux, est Charly Records. Nous essayons de négocier avec eux. Nous avons un bon intermédiaire et un bon avocat pour essayer de récupérer nos droits et de l’argent sur

toutes les innombrables sorties.

James s’arrête un instant pour "quelques affaires privées" et revient en nous offrant avec gentillesse des bonbons.

Q : Pourquoi le groupe Illusion n’a jamais réussi à décoller, malgré la qualité des compositions et de la production de Paul Sanwell-Smith ?

James :C’était une époque difficile pour le rock. Il y a eu à partir de cette époque le Disco et la musique Punk. Nous nous trouvions dans la même compagnie que Ultravox. La compagnie a tout investi dans ce groupe. Et nous manquions beaucoup de confiance dans notre potentiel créatif (comme pour beaucoup d’autres musiciens de l’époque d’ailleurs face au ras de marée Disco et Punk). De plus, il y avait un manque d’entente au sein du groupe.

Q : Illusion a-t-il beaucoup tourné à cette époque ?

James : Nous avons tournée avec Dory Previn ( ?), une chanteuse folk qui était la femme d’André Prévin. On a fait aussi une tournée avec Brian Ferry. Nous avions de bonnes relations avec lui. Nous avons même joué à Paris à cette époque.

Brian avait un très bon groupe, avec John Wetton à la basse et aussi les musiciens de Roxy Music, Phil Manzanera et Paul Thomson si mes souvenirs sont bons, et aussi une section rythmique de cuivre et des choristes.

Q : Y-a-t-il des bandes Live de cette période et peut-on espérer la sortie d’un disque comme pour le Renaissance au Fillmore? 

James : Il n’y a pas de bandes Live à ma connaissance. A l’exception peut-être de Michael Ober qui en possède une. (Un ancien producteur de James qui a sorti le Illusion 3 "Enchanted Caress" et les disques de Jim Mc Carty Band, du British Invasions All Stars ainsi que 2 cassettes de démos de Keith Relf et une vidéo d’un concert de Stairway).

Q : Il est intéressant de constater qu’inconsciemment les grands thèmes du bouddhisme étaient déjà réunis dans les noms de Renaissance et d’Illusion, alors qu’à l’époque, tu n’étais pas intéressé par les enseignements tibétains.(James suit depuis 6 ans environ des enseignements avec des maîtres tibétains qui lui apportent un équilibre et une confiance dans l’expression de sa création)

James : Oui !

Puis nous parlons avec James de son approche du bouddhisme, de sa relation à un maître tibétain avec lequel il se sent relié, et qu’il trouve particulièrement amusant, des enseignements et des ouvrages intéressants qu’il a lus. (Ces propos non musicaux n’ont pas été retranscrits ici)

Q : Je crois que tu as fait un concert avec les Yardbirds pour la cause tibétaine à Londres ?

James : C’était en fait un concert, il y a 3 ans, pour financer la construction d’une école au Ladak. Nous étions avec les Animals dans le même concert. Et j’ai en projet prochainement de faire quelque chose avec Donovan.

Q : Tu connais Donovan depuis longtemps ? As-tu déjà joué avec lui ?

James : Je ne l’avais pas vu depuis 1966. (Rires) Je ne le connaissais pas vraiment mais j’apprécie beaucoup ses compositons. Il a écrit une belle chanson "Atlantis" et il a essayé de convaincre les studios Walt Disney d’utiliser sa chanson pour un film. Il a essayé de coopérer avec un groupe de jeunes femmes pour que sa musique soit utilisé pour un film. Je ne sais pas où en est ce projet. Je dis cela dans le sens où c’est une tendance actuelle : les anciens groupes doivent coopérer avec des groupes plus jeunes. Cela correspond à un souci commercial. Et le milieu ne semble pas s’améliorer : c’est pire qu’avant et de plus en plus orienté vers le fait de gagner de l’argent.

Q : Est-ce que ça a été difficile tout au long de ta carrière, et encore maintenant de négocier tes contrats ? (Reprécisons que James est un véritable musicien professionnel, qu’il n’a jamais fait autre chose et qu’il n’a pas eu d’interruption en 40 ans).

James : Oui ! Je ne me rends pas vraiment compte de ce que les gens ont en tête quand ils proposent un contrat et comment ensuite ils utilisent la situation à leur propre fin.

Q : Regrettes-tu aujourd’hui la disparition de ton ami Keith Relf ? Y penses-tu souvent car cela avait l’air d’être une relation amicale et créative importante pour toi ?

James : Non, je n’ai pas de regrets en tant que tel. C’était un très bon ami. Cette amitié est née au sein des Yardbirds, au fil des ans. Nous avions une affinité par rapport à la musique mais aussi par rapport à la spiritualité. Et cela s’est poursuivi avec Renaissance. Et quand on a formé Illusion, Keith est tombé très malade. Je n’arrivais plus à communiquer avec lui à cette époque. C’était pour moi très déprimant d’être en sa compagnie, juste avant qu’il meurt.

Q : J’ai l’impression que Keith recherchait vraiment quelque chose de spirituel dans sa vie et qu’il ne l’a pas trouvée? (Comme beaucoup de rock stars à cette époque !)

James : Oui, il recherchait quelque chose de profond. Mais il n’était pas assez fort. Il suivait le Maharashi dans la méditation transcendentale (comme Donovan, Harrison, Brian jones…..). Mais il était fragile et avait de nombreux problèmes physiques.

Q : Comment te sens-tu, toi, après toutes ces expériences et créations ?

James : je me sens plus fort, car j’ai vraiment traversé des épreuves très difficiles. J’ai vécu des hauts et des bas importants. Je me sens installé, heureux d’avoir de bonnes relations avec l’environnement, avec ma compagne et aussi de pouvoir recevoir de bons enseignements tibétains. Il y a quelqu’un qui m’a suggéré un autre projet pour une bonne cause, une action caritative par rapport au bouddhisme, un enregistrement musical. Mais je n’ai pas d’autres informations pour l’instant.

Q : As-tu déjà produit des artistes ? Est-ce une chose qui t’intéresse compte tenu de ta longue et riche expérience, comme ton ami Paul Samwell-Smith ? (Paul, membre fondateur des Yardbirds, n’a rien produit de moins que Renaissance, Illusion, Cat Stevens, Carly Simon, All About Eve, Murray Head pour ne citer que les principaux).

James : Non ! Cela a failli se passer 2 fois. Paul, lui, a beaucoup plus de talent que je n’en ai pour la production. Il a une ‘bonne oreille’. Il vit maintenant en France dans le sud et n’a pas fait grand chose depuis Beverly Craven. Il s’est retiré maintenant.

Q : Revenons aux Yardbirds. Est-ce que les Yardbirds étaient un groupe de "Happening" et est-ce qui le sont toujours en 2002 ?

(Happening est un terme anglais présent que l’on trouve dans le dictionnaire Robert Il est utilisé en autre dans le monde musical pour désigner un spectacle où la part d’improvisation est essentielle, pas seulement une improvisation classique et presque standard mais avec une part d’imprévu et de spontanéité en plus).

James : Oui, les Yardbirds avaient pour habitude d’improviser assez souvent selon un schéma plus ou moins défini. C’était le cas aussi pour Renaissance bien que Renaissance à mon avis fût un groupe plus rigoureux. Ce qui est intéressant actuellement concernant la nouvelle formation des Yardbirds, c’est que Gypie Mayo ne joue jamais deux fois la même chose. C’est différent chaque soir, un peu comme à l’époque de Jeff Beck.

(Rappelons tout de même que l’album des Yardbirds le plus vendu a été réalisé en 5 jours sur les 4 principaux titres. Et sans mixage ! De plus, Keith Relf a précisé que "les paroles ont été écrites dans la cabine vocale entre les enregistrements des autres instruments". Toujours selon Relf, "Jeff développait des sons incroyables avec sa guitare. Il se déplaçait sur la scène de long en large, complètement désaccordé et tordait les cordes. Il ne jouait pas réellement des accords, juste des notes distordues toujours en dehors de l’accord"

Si ce n’est pas du Happening…….

Q : Les Yardbirds viennent de terminer une tournée en Angleterre ?

James : Oui, cette tournée a été un succès sur 2 mois et s’est terminée par un concert à l’Albert Hall. Maintenant, je vais retourner aux USA chez Steve Vai avec le groupe pour finir l’album. Pour sa sortie, nous préparons une grande tournée qui passera par Paris.

Q : A quand le prochain album solo ?

James : En parallèle des Yardbirds, je travaille sur un CD de chants qui incorpore des sons de kora africaine, de violon d’Inde du sud, du santour et des percussions orientales. John Leckie, le producteur du disque, m’a fait rencontrer un musicien appelé Ravi qui m’aide à réaliser cet album. Je suis très intéressé par les musiques du monde. Récemment, j’ai vu le récent ‘South Bank Show’ avec un concert fantastique de Ravi Shankar. J’ai vu également de très bons clips de Sheila Chandra et de Talvin Singh. Et j’ai été très surpris de voir dans le même programme

Keith Relf.

Dans les projets futurs, un magazine américain ‘Ugly Things’ m’a contacté pour écrire une chronique régulière. Cela me réjouit beaucoup. Ce sera vraiment une première pour moi d’écrire dans un magazine.

James s’inquiète de l’heure car il a un rendez-vous important. Nous prenons des photos.

 

Interview réalisé par Luc Marianni/

Traduction en direct par Marie Pierre Beaulieu

 

Site internet de James Mc Carty : http://www.jimmccarty.co.uk

Site internet des Yardbirds : http://www.theyardbirds.com et http://www.idonline.com/yardbirds

 

Article consacré aux Yardbirds dans Juke Box : N°56, N°74, N°112 et dans le hors série "British Beat"

 

Rappelons ici que les Yardbirds n’ont sorti à ce jour que 5 disques 33 tours officiels depuis leur création en juin 1963 jusqu’à leur séparation en juillet 1968 dont nous redonnons ici les références :

Rajoutons deux compilations essentielles sur les centaines sorties à travers le monde :

‘The Yardbirds Ultimate’ / Double CD/ 2001/ USA – Rhino Records R2 79825 (avec en prime 3 enregistrements solo de Keith Relf)

‘The Yardbirds : Little Games Sessions & More’ / Double CD/ 1992/ USA – EMI Records 0777 7 98213 27 ( avec en prime 3 enregistrements de Together + un morceau inédit de Relf et Mc Carty)

+ le CD ‘5 Tracks Live’ enregistré en 1997 lors de la reformation des Yardbirds et vendu essentiellement dans les concerts.