RENAISSANCE Live in London 2001

 

RENAISSANCE à Londres, pour un concert unique à l'Astoria : ce qui demeura longtemps un rêve inaccessible devint subitement réalité en cette soirée du 9 Mars 2001. Après les sets acoustiques de CLAIRE HAMMILL (à l'inspiration dominante folk) et BEVERLEY MARTYN (mélangeant folk et blues), c'est à 20h35 environ que MICKEY SIMMONDS (claviers, synthétiseurs), MICHAEL DUNFORD (guitare acoustique), TERENCE SULLIVAN (batterie), RAVE TESAR (piano), DAVID KEYES (basse) et la sublime ANNIE HASLAM investirent successivement la scène de l'ASTORIA. Après un bonsoir chaleureux de la charismatique blonde chanteuse à une audience d'emblée sous le charme : "Cela faisait quelques temps que nous n'avions joué ici...", RENAISSANCE enchaîne sans temps mort avec un "Carpet of the Sun" aux accents jubilatoires, tant destiné à la mise en condition d'un public largement conquis d'avance qu'à une préparation de la montée progressive en amplitude de la voix de la Divine. Un "Carpet of the Sun" impérial, vraiment, à la mélodie claire et haute mettant en exergue l'intact potentiel vocal d'ANNIE, dont l'extraordinaire amplitude vocale (elle est capable de moduler sa voix dans un registre de 5 octaves !) n'a fait que s'amplifier ces 30 dernières années. C'est bientôt à MICHAEL DUNFORD d'occuper le devant de la scène en compagnie d'ANNIE, entamant à la guitare 12 cordes les premiers accords de "Midas Man". Sonorités cristallines de la guitare, chant angélique d'ANNIE pour une mélodie envoûtante et ensorcelante. Un fugitif moment de pure magie, trop court en vérité considérant que ce fut le seul emprunt à NOVELLA, leur ambitieux album de 1977 lors de cette soirée mémorable. Bien sûr, j'aurais aimé entendre l'épique "Can you hear me" ou l'exquis "The Sisters", mais RENAISSANCE avait dû faire des choix drastiques dont on peut imaginer qu'ils avaient déjà donné lieu à débat entre ANNIE, MICHAEL et TERENCE. La Diva annonce ensuite au public que RENAISSANCE vient de publier un nouvel album : TUSCANY, hélas seulement édité au Japon et que le groupe va en interpréter un premier extrait : "Lady from Tuscany", le titre d'ouverture. Exquises vocalises d'ANNIE en préambule, en tout point semblables à l'album, mais avec plus de souffle et d'intensité encore. Visiblement la chanteuse est à la fois émue et déterminée à donner le meilleur d'elle-même à un public qui n'a visiblement d'yeux que pour elle. Vocalises éthérées en introduction, disais-je, bientôt relayées par l'inventif break instrumental aux claviers emmené par MICKEY SIMMONDS, en osmose avec la guitare acoustique rythmique de MICHAEL DUNFORD et la frappe subtile, précise et percutante de TERENCE SULLIVAN. Un refrain relativement accrocheur, un rythme tourbillonnant diablement entraînant sur lequel surfe la voix langoureuse de la belle ANNIE, dont la danse gracieuse entre deux envolées vocales achève de mettre le public à genoux. Poursuivant sur cette lancée, la chanteuse introduit le morceau suivant, un nouvel extrait de TUSCANY intitulé "Dear Landseer" relatant la vie d'un gentleman écossais du 17ème ou 18ème siècle. Cette pièce, moins complexe balance joliment et est vraiment dotée d'un refrain imparable qu'on pourrait qualifier "d'entêtant". Idéal pour faire monter la tension d'un cran. Ovation du public à l'annonce du morceau suivant : "The Northern Lights", titre le plus célèbre du groupe ayant figuré dans le top ten des meilleures ventes de singles anglais en 1978 ! L'excitation du public est à son comble, l'émotion, la joie dans la salle est perceptible, presque palpable. ANNIE choisit ce moment du show pour également présenter "Ananda", extrait de son dernier album en date : THE DAWN OF ANANDA comme morceau suivant du set. Ce fut un moment plaisant, mais disons-le sensiblement différent au niveau des atmosphères et de l'instrumentation. Rythme de percussion exotique et léger, samplers de sitar ou sonorités apparentées, l'éthérée mélodie (signée RAVE TESAR pour la musique et ANNIE HASLAM pour les lyrics) est taillée sur mesure pour la voix de la chanteuse, dont la performance frise avec naturel et distinction la perfection... en toute simplicité. Après cet intermède, car cela en fut un dans le show, ANNIE annonce un nouvel extrait de TUSCANY, l'éblouissant pièce conclusive de l'album "One Thousand Roses". Vraiment ici l'intensité monte d'un cran. Cette composition offre l'écriture musicale la plus ambitieuse du nouvel album. Elle possède une dimension progressive, un souffle épique, une cadence rythmique jubilatoire. Après une introduction vocale lente et solennelle dans la grande tradition de RENAISSANCE, la musique prend son envol et atteint très vite d'incroyables sommets. Rythmiquement percutante, instrumentalement luxuriante, vocalement époustouflante, l'interprétation de ce titre devait constituer l'un des hauts sommets du show.

A ce moment du spectacle, intervient une petite anecdote savoureuse concernant ANNIE et MICHAEL. Celui-ci présentant au public le prochain titre interprété : "A trip to the Fair" comme un titre que le groupe avait enregistré voici un bon nombre d'années, ANNIE rectifia, espiègle mais sur un ton ne souffrant pas la réplique : "Excuse-me, darling ! the track I recorded...". Il y a visiblement eu matière à discussion sur les conditions d'enregistrement de ce titre, dont nous connaîtrons peut-être un jour le détail ! Un fugitif moment un rien décontenancé, MICHAEL ne s'en laissa pas compter davantage, et ce fut l'un des moments de gloire de RAVE TESAR d'introduire cette pièce magnifique au piano, qui amalgame dans une inspiration permanente influences classiques (dominantes) et jazz (des moments d'apparente improvisation). Ce titre exerce toujours un fort pouvoir d'envoûtement sur l'auditoire, de par sa structure cyclique et tournoyante. Il fut ici magnifié par une performance vocale d'une ANNIE HASLAM au summum de ses possibilités.

Mine de rien, le show se poursuivait tambour battant (merci TERENCE !) sur un rythme ascensionnel, et ce n'est certes pas le titre suivant, le majestueux "Mother Russia" extrait du lointain TURN OF THE CARDS qui fit redescendre une température devenue incandescente : Solennellement introduite au grand piano par un RAVE TESAR confirmant sa très grande classe de pianiste, au toucher et au feeling très proche de son illustre prédécesseur JOHN TOUT, cette majestueuse composition extraite du répertoire classique du groupe fut interprétée avec toute l'emphase et la perfection formelle requise par sa dimension hautement symphonique. On put mesurer pleinement ici la parfaite osmose et complémentarité des jeux pourtant fort différents de MICKEY SIMMONDS et RAVE TESAR, tandis que la rayonnante ANNIE HASLAM envoûtait littéralement l'auditoire.

C'est à l'issue de ce morceau que le groupe, après un fugitif salut à une audience soudain désemparée choisit, au bout d'une heure vingt minutes de spectacle intense de quitter la scène... Incrédulité du public qui battit le rappel à tout rompre. RENAISSANCE ne se fit pas prier outre mesure et réapparut bien vite, annonçant l'épique "Ashes are Burning" en guise de conclusion. Ovation dans la salle. Il existe nombre de versions live enregistrées de ce titre d'anthologie, qui fut durant de longues années l'un des chevaux de bataille du groupe sur scène. Celui-ci n'a ce soir rien perdu de son impact : apparemment élaboré pour pouvoir donner lieu à une improvisation permanente, ouvrant des possibilités d'évolution presque infinie, il fut une nouvelle fois l'occasion pour chacun des instrumentistes de prouver leur habileté technique et musicale. Ce fut en particulier le moment de gloire du bassiste DAVID KEYES, qui s'acquitta remarquablement de la séquence improvisée autrefois dévolue à JON CAMP. Il s'en tira avec les honneurs, tandis qu'ANNIE réalisait de longues séquences de vocalises, improvisant avec génie de sa voix à nulle autre pareille. Elle se livra véritablement à fond, réalisant de véritables prouesses en tenant la note longtemps, juste et haut. Le public sut lui réserver une ovation à la mesure de son talent. C'est à l'issue des 30 minutes ensorcelantes de ce "Ashes are burning" d'anthologie que devait s'achevait le show de RENAISSANCE à l'Astoria.

Et pourtant, ANNIE en remerciant le public, s'excusait presque de la qualité de la prestation, précisant que "c'était simplement le premier show de la tournée, et que le groupe avait fait de son mieux".

Petit message à l'attention d'ANNIE : Pouvez-vous vraiment encore faire mieux que cette prestation de rêve?

RENAISSANCE à l'ASTORIA de Londres, le 9 mars 2001 : une performance historique, inoubliable. Mais où donc étiez-vous ce soir-là ?

Didier GONZALEZ