Rétrospective

RENAISSANCE - ILLUSION

Jim McCARTY, Louis CENNAMO, Keith RELF, Jane RELF, John HAWKEN

(1969-94)

L'émergence de RENAISSANCE, en 1969, coïncida avec celle d'un genre nouveau : le rock progressif.

La scène rock anglaise connaissait alors une folle ébullition créatrice, consécutive au psychédélisme et au séisme déclenché par l'album des BEATLES, Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band .

L'heure était venue de tourner la page et d'entrer de plain-pied dans une ère de création débridée...

Chapitre 1 :

Come Together...

Si l'avant-garde du mouvement progressif était alors représenté par des formations nouvelles comme KING CRIMSON, les (déjà) vieilles gloires n'étaient pas en reste : Manfred MANN et son CHAPTER 3 qui n'allait pas tarder à se muer en l'EARTH BAND, ou encore COLOSSEUM, conglomérat de vétérans du blues-boom. Sous l'influence de CREAM ou Jimi HENDRIX, ces musiciens durcirent leur musique. En même temps, ils y intégraient des éléments tirés du jazz et de la musique classique.

Cette surenchère de décibels était à l'opposé de ce à quoi aspiraient Keith RELF et Jim McCARTY, respectivement chanteur et batteur des YARDBIRDS, lorsqu'ils quittèrent leur groupe en juillet 1968, après un ultime concert à Luton.

Ils se sentaient de plus en plus en désaccord avec la direction dans laquelle les orientait leur flamboyant guitariste, Jimmy PAGE. "A cette époque", se souvient le batteur, "Keith et moi connaissions une sorte d'éveil spirituel, nous nous intéressions de plus en plus aux phénomènes paranormaux, psychiques, ainsi qu'aux OVNI, au bouddhisme et ce genre de choses... D'un point de vue musical, nous évoluions vers des choses plus douces, comme le folk ou le classique. Complètement à l'opposé du "heavy-blues" que nous jouions depuis plusieurs années... c'était très rafraîchissant".

S'inspirant de SIMON & GARFUNKEL, RELF et McCARTY décident de former TOGETHER, où chacun chante et s'accompagne à la guitare acoustique. Quelques démos sont enregistrées avant que, sous l'égide de l'ancien bassiste des YARDBIRDS, Paul SAMWELL-SMITH, soit gravé un 45 tours comprenant les chansons "Henry's Coming Home" et "Love Mom And Dad", le duo s'y voyant accompagné de musiciens de sessions comme Jon MARK (g), Brian ODGES (b) et Tony MEEHAN (d). Un troisième morceau, inédit, "Together Now", est présenté, ainsi que les deux faces du simple, sur la réédition CD de l'album des YARDBIRDS, Little Games .

La formule du duo trouve cependant vite ses limites et, après avoir été présentés par SAMWELL-SMITH à John MITCHELL, directeur d'une chaîne de garages (!) et accessoirement postulant à la fonction de manager d'un groupe de rock, RELF et McCARTY décident de franchir le pas et se lancent à la recherche de candidats...

Par un ami commun, RELF et McCARTY entrent en contact avec le guitariste de sessions Pete GAGE. Celui-ci, soliste au sein du RAM JAM BAND, le groupe accompagnant le chanteur Geno WASHINGTON, est amené à rencontrer un grand nombre de musiciens au gré des séances en studio. A ce moment, il travaille beaucoup avec un jeune bassiste à la carrière déjà très fournie, Louis CENNAMO.

Né le 5 mars 1946, d'origine italienne mais installé à Londres, CENNAMO a été bercé dans son enfance par les disques italiens de son père puis, pendant son adolescence, initié par sa soeur aînée, fan de Chuck BERRY et Ray CHARLES, à la scène rock naissante. Il ne tarde pas à rejoindre, à 17 ans, les FIVE DIMENSIONS, un groupe de Birmingham où Rod STEWART avait fait ses débuts de chanteur. Le groupe accompagne Chuck BERRY et enregistre avec lui l'album Chuck Berry In London . "... Mais il ne nous a pas crédités, alors personne ne sait que nous jouons dessus !".

Après avoir rencontre le chanteur Mike PATTO lors d'un festival où ce dernier officiait comme "Monsieur Loyal", il crée avec celui-ci l'éphémère CHICAGO LINE BLUES BAND (1965-66), où officie également le pianiste Tim HINKLEY. Après un bref passage dans The HERD où il côtoie un tout jeune Peter FRAMPTON - le seul single auquel il participe, "So Much In Love", n'obtient aucun succès, alors que dès le suivant, The HERD devient la coqueluche du public... -, il s'oriente vers une carrière de musicien de studio. Il participe notamment en tant qu'invité au premier album de JODY GRIND, trio fondé par son ancien collègue Tim HINKLEY. "A l'époque, nous formions une vraie famille, avec les musiciens de JODY GRIND, Ivan ZAGNI, Barry WILSON, ou encore Boz BURRELL" (plus tard chanteur/bassiste de KING CRIMSON et BAD COMPANY).

Grâce à Andy BOWN, l'organiste de The HERD, il trouve également un petit boulot dans un club du West End, tenu justement par la mère de la petite amie de celui-ci (sic). Son activité d'accompagnateur le voit notamment jouer sur le premier album d'un jeune chanteur débutant, James TAYLOR, qui vient alors d'être signé chez APPLE Records...

C'est donc à la fin de l'année 68 que Louis reçoit un coup de téléphone de Pete GAGE. Les deux musiciens sont donc invités à une après-midi dans la maison de Keith pour faire plus ample connaissance.

RELF et McCARTY ont également contacté leur ancien collègue Chris DREJA (qui fut d'abord guitariste rythmique des YARDBIRDS, puis le bassiste au départ de SAMWELL-SMITH); après avoir un moment songé à intégrer le nouveau groupe de Jimmy PAGE, celui-ci essaie maintenant de monter un groupe de country-rock, qui comprend déjà le steel-guitariste B.J. COLE et le pianiste John HAWKEN.

Né le 9 mai 1940 à Bournemouth, HAWKEN est alors réputé pour sa participation remarquée aux NASHVILLE TEENS, entre 1962 et 1968. Comme les BEATLES à leurs débuts, les 'TEENS', formés à l'initiative d'HAWKEN et du guitariste Michael DUNFORD, ont séjourné quelques mois à Hambourg en 1963 (le chanteur Terry CROWE se joignant à eux durant cette période), mais n'ont pas vraiment eu par la suite ni le talent ni la chance des "Quatre garçons dans le vent"... Leur carrière subit un déclin inéluctable à partir du milieu des années 60.

Après maints remaniements de personnel, voyant notamment l'arrivée du bassiste Neil KORNER à la fin de l'année 1967, HAWKEN a fini par se lasser des galères et décide de tenter une nouvelle aventure. Il finit donc par se retrouver aux côtés de Chris DREJA.

Mais la motivation de ce dernier s'émousse au fil des semaines. Il est de plus en plus tenté d'abandonner la musique pour se consacrer à son hobbie, la photographie, ce qu'il fait finalement.

Tout ce petit monde se retrouve donc dans la maison de Keith RELF pour faire plus ample connaissance. Keith et Jim font écouter leurs chansons, et les autres musiciens se joignent à eux pour improviser.

C'est lorsqu'ils commencent à jouer "Islands", un morceau déjà enregistré sur une démo, que le déclic décisif intervient : John HAWKEN, tranchant avec son style purement rock, ajoute des arpèges classisantes au piano... Le style futur de RENAISSANCE commence à prendre forme...

Avec Louis CENNAMO également, la convergence d'idées est immédiate : "Nous nous sommes merveilleusement entendus, Keith, Jim et moi, dès le premier instant", se souvient le bassiste. "Leurs chansons étaient très proches de ce que j'avais envie de jouer moi-même. Je leur ai dit que j'aimais beaucoup...".

Par contre, aucun des deux guitaristes ne s'avère satisfaisant. En fait, le besoin d'un guitariste soliste ne se fait guère sentir. Après avoir successivement joué aux côtés d'Eric CLAPTON, Jeff BECK et Jimmy PAGE au sein des YARDBIRDS, RELF et McCARTY se sont un peu lassés des "guitar-heroes". Le piano semble voué à un rôle central; la fonction de guitariste échoit donc à Keith RELF, pourtant bien peu expert de l'instrument... Ceci explique sa discrétion sur les futurs albums du groupe.

Une anecdote à ce sujet est d'ailleurs instructive : lors d'une tournée en Scandinavie où le groupe passait en première partie de John MAYALL, le groupe de ce dernier lui fait faux bond. Le chanteur fait donc appel à RELF et McCARTY pour l'accompagner. Au grand dam de MAYALL, RELF se contente alors de jouer en rythmique, ne se risquant à de timides solos qu'après avoir bien pris soin de tourner le dos au public...

Chapitre 2 :

Une Carrière Météorique

Nous sommes maintenant en janvier 1969; dans la maison de Jim McCARTY, le quatuor commence à répéter. Mais il manque encore quelque chose... Jane, la soeur de Keith, qui a déjà participé à des enregistrements de TOGETHER comme choriste, manifeste de désir de se joindre à eux. "Tout semblait coller", raconte McCARTY. "Son image correspondait parfaitement à ce que nous voulions...". D'un point du vue vocal, par contre, les avis sont plus mitigés : "A l'époque, sa voix était encore très brute, manquant d'expérience", précise Louis CENNAMO, "mais elle avait un côté magique qui nous plaisait beaucoup".

Les séances de travail se déroulent dans une ambiance idyllique, très égalitaire. "Nous avions des liens très forts entre nous", poursuit le bassiste, "nous nous entendions tous très bien humainement. Un souvenir très agréable". Le groupe fonctionne de manière très démocratique; chacun a son mot à dire et fait profiter le groupe de ses compétences. "C'était une période très innocente, heureuse et très créative. Nous étions tous très contents de créer quelque chose de différent, n'ayant rien avoir avec ce qui s'était fait auparavant...".

Les compositions sont le fruit d'un travail commun de Keith RELF et Jim McCARTY. Ce dernier possède maintenant un piano, ce qui lui permet d'améliorer ses connaissances harmoniques. Les deux musiciens arrivent aux séances avec des paroles et quelques séquences d'accords. Au terme d'un intense travail collectif, des parties instrumentales classisantes sont intégrées au corps de chansons, parfois très embryonnaires.

Ainsi est créé le premier album, qui est enregistré durant l'été 1969 aux studios Olympic de Londres, sous la direction, une nouvelle fois, de Paul SAMWELL-SMITH. Les moyens techniques à la disposition du groupe (pourtant bien modestes comparés à ceux d'aujourd'hui : une table de mixage à 8 pistes était du grand luxe comparée aux 4 pistes des YARDBIRDS...) donnent aux musiciens la liberté de tenter des expériences originales et d'innover.

"Renaissance" (1969)

Il faut toujours un certain temps à un groupe pour faire aboutir sa quête d'une identité musicale qui lui soit propre et seyante. Il s'agit de réunir des ingrédients - les aspirations et culture musicale de chacun - au sein d'un mélange qui contienne le moins de "grumeaux" possible - ces petites agglomérations suspectes de matière qui empêchent la musique de "couler" naturellement...

Dans le cas de RENAISSANCE, la substance musicale naît de la fusion de deux matériaux de base. D'une part, il y a des chansons, pas vraiment révolutionnaires finalement dans leur construction et leur trame mélodique, encore empreintes de la tradition des YARDBIRDS. Ce n'est guère surprenant, puisque ces chansons sont la plupart du temps dues aux deux anciens musiciens de ce groupe, Keith RELF et Jim McCARTY. D'autre part, il y a les passages instrumentaux traduisant une influence classique très nette. Le piano de John HAWKEN, brillamment secondé par la basse véloce de Louis CENNAMO, occupe alors le devant de la scène. Tous deux sont - explicitement - crédités comme responsables des "classical interpretations".

Bien que l'intention artistique du groupe - fusionner rock et musique classique - apparaisse clairement à l'écoute de l'album, on sent que le groupe éprouve quelque difficulté à pousser cette démarche à son aboutissement. Des grumeaux, il y en a dans cet album qui laisse souvent un goût d'inachevé.

Le morceau d'ouverture, "Kings & Queens" (10:55), est ainsi découpé en "tranches" successives, tour à tour rock, classiques, blues et... typiquement RENAISSANCE, lorsque tous ces éléments n'en forment plus qu'un (l'osmose entre le piano d'HAWKEN et la voix de Jane RELF), tandis que celui qui clôt le disque, "Bullet" (11:24), souffre de surcroît d'un défaut plus général de la musique de son époque, à savoir celui d'associer toutes sortes d'ingrédients très contrastés sans vraiment faire l'effort de les agencer de manière cohérente. N'étant par conséquent pas tributaires les uns des autres, les différents passages défilent sans vraiment retenir l'attention. L'ennui est même présent lors d'un long et ennuyeux 'gratouillis' de basse... Finalement, le morceau s'évapore dans un souffle de vent...

Par contre, certains morceaux sont déjà de vraies réussites avec, en tête, "Innocence" (7:05), ses parties chantées mélodieuses, sa fusion harmonieuse d'influences rock (guitare wah-wah, batterie) et classique (piano), où John HAWKEN se montre particulièrement inspiré. Quant à "Island" (5:57), c'est surtout l'occasion de faire plus ample connaissance avec Jane RELF. La voix de celle-ci, si elle manque encore visiblement de pratique, n'en témoigne pas moins d'un réel potentiel émotionnel.

Au total, cet album donne, et ce n'est guère une surprise lorsque l'on connaît les circonstances de sa genèse, l'impression d'être un laboratoire d'expérimentation. RENAISSANCE officie dans un style avec lequel aucun de ses membres n'est vraiment familier, et pour cause : ils sont en train de l'inventer. Chacun essaie, parfois maladroitement, de trouver ses marques, mais l'essentiel est déjà là : la direction à suivre est indiquée, reste à parcourir, par une travail intense, le chemin qui mène à son aboutissement...

(39:50 - LINE Records - 1987) (A.L.)

A sa sortie, l'album est plutôt bien accueilli, surtout aux Etats-Unis où est effectuée une longue tournée au début de l'année 1970.

Pour trouver des concerts, le groupe joue sur la notoriété des YARDBIRDS Cela se révèle vite une erreur stratégique, car il se retrouve sur le circuit "psychédélique/blues" et le public, se fiant au pedigree des musiciens, se prépare à entendre de bons gros blues en 3 accords et 12 mesures... Insensible à la sophistication de la musique du groupe, le public le boude... Retour à la case départ !

C'est vrai, les temps ont bien changé, et l'époque où il ne fallait que quelques heures de répétition pour mettre en place le répertoire scénique est bien révolue. "Nous répétions beaucoup", raconte McCARTY. "Les morceaux étaient arrangés de manière très précise. C'était un travail très compliqué comparé aux YARDBIRDS. Résultat : nous étions un bon groupe de scène, mais c'était au prix d'un travail colossal...".

Les concerts débutent par une bande sonore reproduisant le bruit d'un avion qui décolle. Puis le groupe commence à jouer "Kings & Queens" et exécute l'intégralité du premier album. "Nous ne faisions aucune reprise de l'époque des YARDBIRDS", précise McCARTY. "Nous jouions de versions allongées des morceaux de l'album, ainsi qu'un morceau à moitié improvisé, intitulé "McKay's Rave", dans un style proche de SANTANA...".

Malgré le plaisir de jouer, les concerts se succèdent à un rythme tel que le moral des troupes finit par en pâtir. "Ça devint une routine, et bientôt tout le plaisir disparut", analyse Louis CENNAMO. "Une des raisons de mon départ des YARDBIRDS était le ras-le-bol des tournées", poursuit McCARTY, "et voilà que tout ça recommençait. Keith et moi sentions que nous perdions un peu le contrôle de la chose. Nous étions chaque soir soumis à une énorme pression. De plus, des problèmes de communication apparurent au sein du groupe. John avait tendance à se mettre un peu trop en avant et ça m'énervait. Jane était de plus en plus susceptible. Quand à moi, j'étais très tendu et au bout d'un moment je n'ai plus supporté l'idée de monter sur scène".

Une tournée en Suisse est ainsi annulée et, de retour en Angleterre, chacun des musiciens part de son côté. "Une grande erreur", commente CENNAMO. "Nous aurions dû rester ensemble, mais nous ne l'avons pas fait, et cela a précipité la fin du groupe".

Celle-ci n'intervient cependant pas immédiatement. En effet, le groupe doit encore contractuellement un album à ISLAND Records, et se retrouve donc à nouveau aux studios OLYMPIC au printemps 1970.

On note, sur deux morceaux, la collaboration à l'écriture d'une dénommée Betty THATCHER. Cette poétesse, amie de Jane RELF de l'époque où celle-ci vivait dans les Cornouailles, fut mise à contribution par Jim McCARTY qui avait du mal à écrire de bonnes paroles. Chose étrange, sa collaboration avec le groupe, que ce soit avec McCARTY ou, plus tard, avec Mike DUNFORD, se fit toujours à distance, le groupe lui envoyant des cassettes contenant des idées musicales sur lesquelles elle greffait des paroles.

L'Eclatement

Keith RELF et Jim McCARTY décident de ne plus faire partie du groupe en tant que musiciens, et par conséquent de se consacrer uniquement à la composition des morceaux. John HAWKEN bat le rappel d'anciens compagnons des NASHVILLE TEENS - Terry CROWE (v) et Mike DUNFORD (g) - pour remplacer RELF, et recrute le batteur de sessions Terry SLADE à la place de McCARTY.

Alors que le groupe se prépare à repartir de cette manière, au début de l'été 1970, Louis CENNAMO est contacté par le groupe COLOSSEUM, dont le bassiste Tony REEVES vient de le quitter pour devenir producteur. Le futur de RENAISSANCE étant des plus incertains (et l'offre plus qu'alléchante en termes de prestige et... d'argent), CENNAMO ne tarde pas à accepter.

Son séjour au sein de la formation, qui officie dans un style très différent de RENAISSANCE, sera en fait de courte durée, mais lui permettra de donner de nombreux concerts en Europe et en Angleterre, notamment au festival de Bath devant 250.000 personnes, et de participer à l'album Daughter Of Time . "Finalement, il s'est avéré que je ne convenais pas vraiment au style du groupe. C'était trop "heavy" pour moi, comparé à RENAISSANCE. De plus, je ne participais plus à la création des morceaux, je devais me contenter de jouer, un peu comme un robot qu'on programmait".

Pour combler le vide laissé par ce nouveau départ, HAWKEN fait à nouveau appel à un ancien acolyte, Neil KORNER. Avec ce line-up où ne subsistent du groupe originel que lui-même et Jane RELF, HAWKEN enregistre une composition de Mike DUNFORD, "Mr. Pine".

Malgré cela, il n'y a pas suffisamment de morceaux pour remplir l'album. C'est alors que le premier RENAISSANCE se reconstitue exceptionnellement (à l'exception, bizarrement, de John HAWKEN, qui est remplacé par le musicien de studio Don SHIN) pour graver "Past Orbits Of Dust". Ouf ! Même s'il contient un peu tout et n'importe quoi, l'album est terminé !...

Bien sûr, la réaction d'ISLAND Records est loin d'être enthousiaste. Constatant avec envie et jalousie l'immense succès des autres anciens YARDBIRDS (LED ZEPPELIN, Jeff BECK, sans parler d'Eric CLAPTON), la maison de disques attendait beaucoup de ce second album, et avait accentué sa pression sur les musiciens. Or, selon elle, Illusion , qu'elle attendra d'ailleurs quelques mois pour mettre sur le marché, est moins réussi que le premier et manque d'énergie.

"Illusion" (1971)

Illusion est à la fois semblable et différent de son prédécesseur. Semblable, car il reprend à peu de choses près les mêmes ingrédients musicaux. Différent car, d'une part, les thèmes d'inspiration sont plus proches des slogans "peace & love" que du mysticisme du premier album, et d'autre part, la réussite musicale est assez supérieure. Mais ce dernier constat vaut plus pour quelques morceaux pris séparément que pour la totalité du disque. En effet, la seconde moitié de "Past Orbits Of Dust" (14:38) (titre pourtant intéressant pour son côté jazzy assez plaisant) finit au bout d'un moment à sentir le remplissage, et "Mr. Pine" (6:55) est trop décousu pour prétendre être significatif d'une nouvelle direction. Certes, on y retrouve le futur pont musical de "Running Hard", mais aucunement la majesté des futurs chefs-d'oeuvre de la bande à DUNFORD.

Par contre, les quatre autres morceaux sont de petits bijoux : tout d'abord, les deux courtes chansons exaltant les idéaux hippie - "Love Goes On" (2:40), avec son chant en canon et surtout "Love Is All" (3:35) et ses arpèges de piano - sont vraiment savoureuses et touchantes de sincérité et de pureté. "Face Of Yesterday" (6:03), véritable déclaration d'amour musicale de Jim McCARTY à Jane RELF, est simplement sublime : l'arrangement de piano est somptueux, la voix de Jane semble enfin libérée, et le mélange des deux parachève le "style RENAISSANCE" tel que le pratiquera la seconde incarnation de la formation. Enfin, "Golden Thread" (8:05) est peut-être le plus réussi de tous : c'est d'abord le plus égalitaire de tous, puisque Jim McCARTY y fait ses débuts (plutôt hésitants, pour ne pas dire chevrotants...) de chanteur aux côtés de Jane et Keith, et que chaque musicien met tout son talent au service de cette magnifique et riche composition...

C'est souvent un lieu commun que de regretter qu'une formation disparaisse au bout d'à peine deux albums. Dans le cas de RENAISSANCE, c'est pourtant bien la conclusion que l'on se doit de tirer, tant ce second album était plein de promesses pour l'avenir, voyant la formation atteindre enfin sa maturité. Fort heureusement, ILLUSION poursuivra plus tard cette démarche, en la modifiant quelque peu. Mais les regrets demeurent...

(42:47 - LINE Records - 1987) (A.L.)

A la fin de l'été 1970, RENAISSANCE donne quelques concerts, suite auxquels Jane RELF quitte à son tour le groupe. Pendant cinq ans, elle ne sortira que rarement de son silence, notamment pour chanter dans des publicités. Une chanteuse américaine la remplace, mais HAWKEN n'en est pas satisfait, et déclare à son tour forfait, rejoignant SPOOKY TOOTH pour une tournée à l'automne 1970.

A ce moment, RENAISSANCE a perdu tous ses membres d'origine, et tout semble devoir encourager le groupe à se saborder. Mais Michael DUNFORD ne l'entend pas de cette oreille. Après son départ des NASHVILLE TEENS, il avait formé plusieurs groupes dont aucun n'avait connu le moindre succès, puis s'était retiré de la scène pour se consacrer à la composition. Il voit dans RENAISSANCE le moyen d'utiliser enfin ses morceaux. Il prend donc le rênes du groupe, assisté - théoriquement - de Jim McCARTY et Keith RELF.

Mais ce dernier, de plus en plus accaparé par son travail comme producteur chez BRADLEY Records, se détache progressivement de la formation. McCARTY, par contre, continue à assister aux concerts et aux répétitions, et d'écrire des chansons pour le groupe. Il est donc présent le jour où ont lieu des auditions pour engager une nouvelle chanteuse. Lorsqu'en février 1971, Annie HASLAM, une jeune chanteuse de cabaret, se présente suite à une annonce dans un journal musical pour remplacer la chanteuse américaine qui vient de partir, il sent immédiatement en elle un extraordinaire talent, et encourage fortement DUNFORD à la choisir. Sacrée intuition... Une nouvelle ère commence pour RENAISSANCE...

Chapitre 3 :

Chacun Dans Son Coin...

Bien que dispersés, les musiciens de RENAISSANCE première version n'en demeurent pas moins actifs.

Keith RELF, de par son travail de producteur, est amené à collaborer avec MEDICINE HEAD, un duo folk constitué de John FIDDLER (v/g) et Peter HOPE-EVANS (v/hca). Au départ de ce dernier, RELF le remplace comme second chanteur, s'accompagnant à la guitare ou à la basse (lorsque le duo devient trio avec d'adjonction du batteur John DAVIES). Un album, Dark Side Of The Moon (un an avant PINK FLOYD !), est enregistré, et n'obtient qu'un succès mitigé. RELF cède alors la place à HOPE-EVANS qui retourne auprès de FIDDLER.

Pendant tout ce temps, RELF est resté en contact avec Jim McCARTY. Ainsi, lorsque ce dernier fonde son propre groupe, SHOOT !, RELF vient parfois assurer la sonorisation des concerts. En retour, McCARTY participe parfois à des sessions organisées par son ancien collègue.

SHOOT ! est né de l'envie de Jim McCARTY de jouer lui-même ses compositions, après un an et demi passé à en écrire pour d'autres (RENAISSANCE, mais aussi d'autres, dont Jane RELF pour un 45 tours). En plus du chant, il préfère opter pour le piano au lieu de la batterie, pour facilité le déroulement des concerts. Dave GREENE (g/v), Bill RUSSELL (b) et Craig COLLINGE (d) complètent la formation, qui est signée par EMI et enregistre un album, On The Frontier (1973), du nom d'une composition de McCARTY et Betty THATCHER que l'on retrouve d'ailleurs la même année sur le second album du nouveau RENAISSANCE.

Mais le succès, artistique comme commercial, n'est pas vraiment au rendez-vous, et SHOOT ! se dissout après avoir été lâché par son label. Suit pour McCARTY une période d'inactivité dont il confesse n'avoir conservé aucun souvenir, si ce n'est la fin de sa collaboration à RENAISSANCE, après une dernière contribution, "Things I Don't Understand", co-signée avec DUNFORD. "J'ai fini par réaliser qu'ils pouvaient tout aussi bien se passer de moi", explique-t-il, "je me sentais donc un peu de trop et j'ai fini par couper carrément les ponts...".

Après avoir quitté COLOSSEUM, Louis CENNAMO avait brièvement participé à BOGOMAS, une formation où il retrouvait Ivan ZAGNI (g) et Barry WILSON (d) de JODY GRIND. "Nous n'avons pas donné de concerts, juste répété. Nous jouions une musique instrumentale, soi-disant progressive, avec beaucoup, beaucoup de solos très complaisants... Malgré l'intérêt de Chris BLACKWELL d'ISLAND, nous avons manqué d'argent et j'ai rejoint STEAMHAMMER, début 1971".

Le groupe recherchait à ce moment un remplaçant à Steve DAVY. "Nous avons fait évoluer la musique du rythm'n'blues à quelque chose de plus aventureux et sophistiqué. Mes relations avec les autres membre du groupe étaient excellentes. Nous avons beaucoup tourné, surtout en Allemagne, mais aussi un peu partout en Europe. Que rêver de plus ? Etre dans un groupe et découvrir le monde !".

CENNAMO participe à un album, This Is, qui n'obtient qu'un succès modéré. "Un album plutôt étrange", commente le bassiste, "plutôt bordélique !". De plus, celui-ci sort dans des circonstances dramatiques, puisque le batteur Mickey BRADLEY décède début 1972, pendant le mixage, d'une leucémie foudroyante.

CENNAMO et le guitariste de STEAMHAMMER, Martin PUGH, décident de former un nouveau groupe, instrumental cette fois : AXIS, qui comprend également Martin QUITTENTON, le guitariste originel de STEAMHAMMER, qui avait entretemps collaboré avec Rod STEWART. Ils passent un certain temps à composer et répéter. Mais, du fait d'un mauvais management, le groupe se dissout fin 1973 sans avoir rien enregistré.

En février 1974, CENNAMO reçoit un coup de téléphone de Keith RELF, qui était resté en contact avec Louis, lui demandant ce qu'il faisait... et si ça lui dirait d'aller en Californie ! "Je fus instantanément enthousiasmé par l'idée", se souvient CENNAMO. "Je gardais un très bon souvenir de la tournée de RENAISSANCE là-bas. Nous étions tous les deux très attirés par ce pays et, même si nous n'avions pas beaucoup d'argent, nous nous décidâmes à tenter notre chance... D'un point de vue plus personnel, il me fallait changer d'air car mon père venait de mourir et je n'étais pas très bien".

RELF, PUGH et CENNAMO se retrouvent donc bientôt à Los Angeles où ils trouvent à se loger grâce à des amis de l'époque de la tournée américaine de RENAISSANCE. Ils y dénichent un très bon batteur-chanteur, Bobby CALDWELL, qui avait auparavant joué avec Johnny WINTER.

"Nous avons commencé à répéter puis, sans même avoir réellement constitué de répertoire, nous sommes allés voir A&M, pour leur demander s'ils étaient intéressés de nous entendre", raconte CENNAMO. "Ils répondirent oui, et nous avons commencé à leur jouer quelques trucs plus ou moins improvisés. Comme nous semblions très dynamiques et que Keith était toujours assez connu comme chanteur des YARDBIRDS, nous avons décroché un contrat sans trop de problèmes".

ARMAGEDDON se met donc au travail, répétant dans un studio gracieusement prêté par A&M, mais très vite l'atmosphère se dégrade. Il apparaît que Bobby CALDWELL a des problèmes de drogue, qui finissent par influer de manière négative sur le travail du groupe. Et comme Martin PUGH se laisse séduire lui aussi, le groupe se scinde en deux parties. RELF et CENNAMO, pour leur part, fréquentaient le milieu "spirituel" de Los Angeles, s'intéressant de plus en plus à la méditation et au yoga. "A cette époque", commente le bassiste, "Keith et moi étions devenus des amis très proches. Nous avons vécu des choses complètement folles ensemble...".

Mais les contraintes contractuelles demeurent, et il faut enregistrer un album; c'est pourquoi, après 6 mois passés en Californie, le quatuor retourne en décembre 1974 à Londres. Les séances ont lieu aux bons vieux studios Olympic. "Le groupe était en plein déclin", poursuit CENNAMO, "les problèmes internes continuaient d'affecter les répétitions et, pour ma part, je jouais de plus en plus mal en réaction à cette atmosphère".

L'album d'ARMAGEDDON, malgré les conditions pénibles de son accouchement, est une belle réussite. Le style musical, donnant la part belle aux guitares de Martin PUGH, est aux antipodes de l'intimisme classisant de RENAISSANCE. Mais le quatuor ne se contente pas de jouer du hard-rock : l'esprit progressif y demeure très présent. comme dans l'alambiqué "Buzzard", ou le très beau "Silver Tightrope". Mais rien ne permet pour autant de deviner que, quelques mois plus tard, RELF et CENNAMO vont renouer avec le raffinement de leur ancien groupe...

Chapitre 4 :

Les Retrouvailles : Illusion

Une fois l'album d'ARMAGEDDON enregistré, Keith RELF décide qu'il en a assez du groupe et, suivi par Louis CENNAMO, quitte le groupe qui cesse dès lors d'exister. Bobby CALDWELL entreprendra par la suite une carrière de chanteur couronnée de succès.

"Quelques mois plus tard, à l'automne 1975, Keith et Jane sont venus me voir", reprend le bassiste. "Ils avaient envie de reformer RENAISSANCE, du fait de l'intérêt soutenu du public pour les deux albums du groupe. Comme je ne faisais pas grand chose, hormis quelques sessions par ci par là, j'ai accepté, et nous avons appelé Jim, puis John, qui ont tous deux accepté de se joindre à nous".

Depuis son départ de SPOOKY TOOTH, John HAWKEN avait notamment joué dans VINEGAR JOE (1971-72), le groupe formé par Pete GAGE et Steve YORK avec Robert PALMER et Elkie BROOKS au chant, puis tenu les claviers de 1973 à 1975 au sein des STRAWBS (les albums Hero & Heroine et Ghosts).

Comme au bon vieux temps, les cinq musiciens se réunissent chez Jim McCARTY. "Tout semblait se passer pour le mieux", se rappelle ce dernier. "Comme nous avions joué ensemble auparavant, il ne nous fallut pas longtemps pour retrouver notre manière bien à nous de sonner. Nous avons donc décidé de nous mettre au travail...".

La fin de l'année 1975 et le début de 1976 sont donc passés à composer et enregistrer divers morceaux, et à faire le tour des labels, hélas sans grand succès. Jim McCARTY sent que les choses n'avancent pas aussi vite qu'elles le devraient. Il ne retrouve pas avec Keith RELF l'osmose créatrice du temps de TOGETHER, et trouve les morceaux moins réussis que ceux de RENAISSANCE.

C'est alors que survient la tragédie : le 14 mai 1976, Keith RELF est retrouvé mort dans son appartement de Whitton par son fils de 4 ans. Etendu sur le sol, il tient à la main une guitare... "Il avait l'habitude de jouer avec un casque sur les oreilles, et c'est manifestement une défaillance électrique qui lui a été fatale", commente Jim McCARTY, qui avait dîné avec RELF la veille du drame.

On aurait pu croire que la mort de Keith RELF marquerait la fin du projet de reformation de RENAISSANCE. Or, c'est exactement l'inverse qui se passe. Le groupe retrouve la motivation et l'inspiration dans la douleur que cette perte provoque chez les musiciens. Et, même si ces derniers hésitent quelques temps avant de reprendre les répétitions, la formation prend véritablement son envol à cette occasion. "Quelque part, c'était aussi pour rendre hommage à Keith", ajoute CENNAMO.

C'est Jim McCARTY qui remplace RELF comme vocaliste masculin. Ce rôle de chanteur qui lui tient vraiment à coeur n'est sans doute pas pour rien dans le regain d'énergie dont l'ex-batteur fait preuve.

Deux nouveaux musiciens sont recrutés pour compléter le groupe : John KNIGHTSBRIDGE (g), un ami de John HAWKEN rencontré par ce dernier lors de sessions pour le groupe THIRD WORLD WAR, et Eddie McNEIL (d), un Australien exilé en Ecosse qui officiait jusqu'alors au sein de STRANGE DAYS.

Le nom d'ILLUSION n'est utilisé qu'à partir de ce moment. C'est Jane RELF qui en a l'idée.

"Nous avons recommencé à répéter, tous les six", reprend Louis CENNAMO. "Nous avons enregistré une nouvelle démo de six chansons, dont "Isadora" et "Solo Flight", en juillet 1976, que nous sommes allés faire écouter aux responsables d'ISLAND Records". "Quelqu'un m'avait dit que la meilleure chose à faire pour trouver un contrat était de faire écouter ses morceaux aux maisons de disques desquelles vous recevez de l'argent", sourit McCARTY. "C'est donc ce que nous avons fait !". Tim CLARK, le directeur artistique du label, tombe littéralement amoureux des chansons et signe sans hésiter ILLUSION.

A l'automne, un premier album est mis en boîte aux studios ISLAND à Hammersmith, dans la banlieue de Londres. Les compositions sont toutes signées McCARTY, sauf 4 co-écrites par John HAWKEN. Nouveauté : le groupe utilise des arrangements orchestraux, pour lesquels il fait judicieusement appel à Robert KIRBY, salué à juste titre pour son travail sur les deux magnifiques premiers albums de Nick DRAKE, Five Leaves Left et Bryter Layter.

Le style musical avait évolué depuis la période RENAISSANCE. "Nous essayions de créer un style encore différent, avec un côté peut-être plus "middle of the road", un mélange de morceaux très doux et d'autres plus vigoureux, avec des guitares presque "heavy"...", explique Louis CENNAMO, avant de préciser : "Pour ma part, je n'ai hélas pas pu m'investir autant que je l'aurais souhaité dans le groupe, car je continuais à m'intéresser à la spiritualité, et à cette époque je faisais régulièrement des allers-retours vers l'Inde. La vraie force motrice du groupe émanait de Jim et Jane, qui y investissaient beaucoup d'énergie. Jane, en particulier, était vraiment au meilleur de ses capacités vocales. Au total, ce fut une période très enrichissante pour moi, mais moins créative que celle de RENAISSANCE...".

"Out Of The Mist" (1977)

A l'écoute de Out Of The Mist , on a peine à croire que six ans se sont écoulés depuis Illusion , peine à croire que tant de bouleversements, expériences diverses au sein d'autres groupes n'aient pu affecter l'inspiration de ces musiciens. Bien au contraire. Dès le premier titre, "Isadora" (6:56), on ressent l'extrême nostalgie, pour ne pas dire tristesse, qui a du imprégner Jim McCARTY, John HAWKEN, Louis CENNAMO et Jane RELF après la tragique disparition de Keith RELF (dont l'ombre plane sur la musique du groupe, ne serait-ce qu'avec la reprise de "Face Of Yesterday"). Une impression qu'il sera difficile d'oublier au fil des titres, tant la voix presque fragile de Jim et celle, plus mûre et plus assurée que par le passé, mais toujours aussi envoûtante, de Jane, appesantissent encore l'atmosphère des morceaux. Il en est de même pour le choix d'instrumentation : piano de John HAWKEN, au coeur de pratiquement toutes les compositions, section rythmique toute en retenue, arpèges de guitare acoustique...

Néanmoins, les quelques changements apportés au line-up originel du groupe, et notamment l'adjonction d'un véritable guitariste soliste, de même que son appartenance à une époque différente des débuts, se ressentent au point que "Solo Flight" (4:23) sonne presque disco, et que l'intro de "Candles Are Burning" (7:10) est plus proche de "Kings & Queens" que d'"Innocence" - rock donc ! Les solos de guitare puissants de John KNIGHTSBRIDGE ne déparent en rien dans le calme ambiant, tout comme l'utilisation d'un plus grand nombre de claviers (synthétiseurs "modernes", mellotron - le divin solo de "Beautiful Country"...).

La "renaissance" d'ILLUSION est allée au-delà de tout ce que l'on pouvait en attendre. Des musiciens plus sûrs d'eux, au service de compositions épurées (on peut en effet dire qu'ILLUSION a mis de côté le caractère un peu obscur et abscons de certaines compositions du passé, lui préférant une mélodicité et une fluidité proches de la perfection)... Tout cela ne pouvait donner qu'un album splendide : Out Of The Mist est cette réalisation.

(36:00 - DEMON Records - 1994) (C.A.)

La sortie d'Out Of The Mist est suivie d'une grande tournée en Europe en février-mars 1977, en première partie de Bryan FERRY. Les ventes de l'album sont assez modestes, mais les critiques sont généralement enthousiastes et les concerts renforcent la notoriété du groupe.

Outre les morceaux de l'album et quelques classiques de RENAISSANCE, les prestations scéniques d'ILLUSION comprennent une reprise de la fameuse composition de Kim FOWLEY, "Nutrocker" (déjà reprise par E.L.P.), durant laquelle Jim McCARTY, tel un Phil COLLINS, s'installe derrière une deuxième batterie et joue en duo avec McNEIL...

A l'époque où ILLUSION commence à travailler sur son second album, l'Angleterre est en pleine explosion punk. Du côté des maisons de disques, l'opportunisme est de rigueur, celles-ci n'hésitant pas à signer des contrats à tour de bras avec des groupes jugés "prometteurs". ISLAND n'échappe pas au phénomène en prenant sous son aile des formations comme ULTRAVOX ou Eddie & The HOT RODS. Seul Tim CLARK demeure sensible à la musique proposée par ILLUSION et partage l'enthousiasme du groupe et de Paul SAMWELL-SMITH, qui produit le deuxième album, éponyme.

"Nous primes beaucoup de plaisir à faire cet album, avec Paul comme producteur", se souvient McCARTY. Et d'ajouter avec une modestie peu justifiée au regard de la qualité du disque : "Mais, du fait de la pression et des tournées, je trouve que les compositions n'y sont pas aussi fortes que sur le premier". Quoi qu'il en soit, les amateurs notent la présence d'un morceau composé par Louis CENNAMO et Jane RELF (!), "Louis' Theme", et un autre co-signé par Keith RELF, composé en 1975, "Man Of Miracles".

"Illusion" (1978)

Un an après, on prend les mêmes... mais peut-on recommencer ? Oui ! Encore plus oui ! (Mais fermez vos fenêtres pour ne pas être tentés de vous y précipiter !). Cette fois, il semble que toute violence, toute énergie, aient été dissipées. Cet album sans titre est triste, mais tristement beau bien sûr. A l'exception de "Cruising Nowhere" (5:01) - ils craignaient peut-être de mettre trop mal à l'aise les âmes sensibles -, tous les morceaux de ce disque ont une trame qui avance au ralenti, qui vous pince le coeur : spleen total. Même la guitare a perdu tout côté "heavy" et semble un peu plus en retrait (quel bouleversant solo, tout de même, sur le non moins splendide "Wings Across The Sea" !); et la batterie est absente sur deux titres. La voix de Jane RELF et le piano de John HAWKEN sont plus que jamais les principaux interprètes de cette musique qui respire l'absence, la solitude. Cet album, qui devait être (déjà...) le chant du cygne d'ILLUSION, ne pouvait justement mieux figurer la fin du groupe. On a du mal à imaginer ce qu'auraient pu créer de plus désespéré ces musiciens.

La musique d'ILLUSION semble transcender toute notion de temps. Les plus longs titres (dont "Louis' Theme" (7:41) est sans doute le plus beau) dépassent tout juste les sept minutes, mais la moyenne se situe autour des cinq minutes; et pourtant, à aucun moment, on ne ressent le manque de développement de tel ou tel thème. Ces quelques minutes suffisent à ILLUSION pour tout dire, sans longueurs, sans fioritures, avec cette juste simplicité qui va droit au but, et nous émeut inévitablement.

Par delà le nom de RENAISSANCE, ILLUSION reste un groupe magnifique à (re)découvrir, et la réédition en CD de leurs deux albums vient à point nommé pour nous inviter à le faire. Un CD indispensable pour tous ceux qui aiment RENAISSANCE et tous ceux qui n'ont pas peur de se laisser gagner par les frissons de la mélancolie...

(37:23 - DEMON Records - 1994) (C.A.)

L'album ne bénéficie, à l'inverse du premier, d'aucun écho auprès des médias, malgré une nouvelle tournée européenne, cette fois avec Dory PREVIN. Pire, il ne paraît même pas aux Etats-Unis, pays dont le groupe attendait le plus... Autant dire que la désillusion est cruelle; elle se confirme peu après lorsqu'ISLAND remercie purement et simplement la formation.

Celle-ci, comme à ses débuts, recommence à démarcher auprès de maisons de disques complètement indifférentes (ou simplement dubitatives quant au potentiel commercial de la musique d'ILLUSION). Jim McCARTY a alors pris la direction musicale du groupe, et finance une série d'enregistrements en studio, destinés à présenter celui-ci aux labels.

Hélas, dans les rangs d'ILLUSION, la motivation faiblit. McNEIL déclare forfait, obligeant McCARTY a revenir derrière ses fûts. Plus tard, c'est au tour de John HAWKEN, le pilier du son du groupe, de lui faire ses adieux. Depuis, il n'a guère donné signe de vie... Il est un moment remplacé par Tommy EYRE (ex-Joe COCKER BAND et MARK-ALMOND), mais la fin est proche... ILLUSION n'aura pas passé le cap de la nouvelle décennie.

Une bonne dizaine d'années après leur enregistrement, certaines des bandes produites par ILLUSION dans sa dernière période sont retrouvées dans le grenier de Jim McCARTY, et sont regroupées sur un CD intitulé Enchanted Caress . Ce CD, paru en 1990, fut alors présenté comme un troisième album inédit d'ILLUSION, mais on peut rester sceptique.

De par leurs condition de démos (d'une qualité sonore assez inégale d'un titre à l'autre, mais jamais parfaite), la dizaine de titres qui figurent sur celui-ci (dont un composé et joué par Keith RELF) n'a presque plus rien à voir avec les splendeurs des deux premiers albums du groupe. Sans guitare électrique, avec une instrumentation souvent réduite au minimum, nous voilà avec de la pop d'une platitude presque indigeste, sans charme original et bien surprenante de la part de musiciens aussi talentueux. Il est clair que les musiciens, conscients de l'insuccès du second album, n'ont pas dû consacrer beaucoup de temps à ces compositions et encore moins à leur enregistrement.

Si deux ou trois titres sont à retenir quand même, c'est de toute façon sans commune mesure avec Out Of The Mist ou Illusion . Un album à oublier et qu'il aurait été sans doute préférable de ne jamais laisser sortir, puisqu'il n'en est pas véritablement un !

Chapitre 5 :

Epilogue - Stairway

Depuis la dissolution d'ILLUSION, ses membres ont suivi des destinées diverses, sans vraiment se perdre de vue les uns des autres.

Jim McCARTY retourne à ses premières amours, le rock'n'roll, tantôt en compagnie de John KNIGHTSBRIDGE ou Rod DEMICK, tantôt au sein de groupes rassemblant d'anciens YARDBIRDS (BOX OF FROGS) ou des célébrités des années 60 (les BRITISH INVASION ALL-STARS).

Louis CENNAMO s'est retiré du monde musical, se consacrant principalement à sa quête spirituelle entamée au milieu des années 70. Il a cependant enregistré un album solo, Diamond Harbour , en 1982, qui n'est sorti qu'en cassette et à tirage limité. Il se fait désormais appeler "Loui", parce que ses amis américains prononçaient systématiquement son prénom "Lewis" alors que le "s" est muet... "J'aime jouer avec l'orthographe quand l'envie m'en prend", sourit-il... Louis travaille actuellement sur un projet solo à la guitare, toujours dans le domaine de la musique de relaxation dont il a fait son domaine de prédilection.

Quant à Jane RELF, elle est partie vivre avec sa famille à la campagne, ne renouant qu'occasionnellement avec la musique. Un projet d'album solo fut annoncé à plusieurs reprises mais ne vit hélas jamais le jour.

Tous les trois ont été impliqués dans une nouvelle formation, à l'existence plus qu'épisodique : STAIRWAY. C'est en 1985 que naquit ce concept, dans des conditions assez inattendues : "J'ai appelé Louis pour lui proposer de venir jouer de la basse lors des concerts de BOX OF FROGS", raconte McCARTY. "Il s'est trouvé qu'il fêtait son anniversaire le lendemain; il m'a donc invité chez lui. Nous avons discuté longuement, et avons découvert que nous aimions tous les deux beaucoup le new-age - je suis un amateur de VANGELIS - et la thérapie par la musique. Nous sommes ensuite entrés en contact avec le label NEW WORLD Tapes, chez lequel nous avons enregistré quatre K7 entre 1987 et 1992".

Sur la seconde d'entre elles, Moonstone (1988), Jane RELF participe au chant. Malheureusement, elle vit trop loin de Londres pour s'impliquer davantage, et n'est donc pas présente au quelques concerts donnés par STAIRWAY (qui comprend, outre McCARTY et CENNAMO, le claviériste Clifford WHITE) aux alentours de la capitale anglaise.

Musicalement, STAIRWAY se situe bel et bien dans la catégorie "new-age". Et malgré la présence, sur quelques morceaux, des vocalises de Jane RELF, aucune magie ne ressort de cette musique. Trop plate, trop répétitive, trop simple et bien décevante venant de musiciens de cette qualité. Basés sur de longues nappes synthétiques et des percussions électroniques programmées, tous les titres se ressemblent, et aucun ne parvient à sortir du lot. C'est de la new-age de seconde zone, et l'on peut se demander ce qui peut attirer ces musiciens dans cette voie... Quel gâchis de talent !

Heureusement, Jim McCARTY semble désireux de renouer avec une musique plus dynamique et inspirée, ce dont témoigne son récent (et premier !) album solo, Out Of The Dark (cf. chronique dans BIG BANG n°4), où Jane RELF apparaît aux choeurs, recréant sur quelques morceaux les si savoureuses harmonies vocales d'ILLUSION...

Biographie : A.L.

Les propos de Louis CENNAMO et Jim McCARTY ont été recueillis par BIG BANG, à l'exception de certaines citations de Jim McCARTY, adaptées du livret du CD d'ILLUSION (EDSEL Records EDCD 369) et d'un entretien avec Mike OBER extrait du livre de ce dernier.

Chroniques :

RENAISSANCE, ARMAGEDDON : Aymeric Leroy

ILLUSION, STAIRWAY : Christian Aupetit