RENAISSANCE

TUSCANY

(UK, 49'25, Giant Electric Pea, 2001)

 

On se souvient de la parution de cet album somptueux, l'hiver dernier sur le marché japonais. Et du combat opiniâtre du groupe pour obtenir une distribution européenne. C'est aujourd'hui chose faite, grâce à GIANT ELECTRIC PEA, label de MARTIN ORFORD, le talentueux claviériste d'IQ. Espéré depuis des lustres, exactement depuis ce fameux jour de 1987 où ANNIE HASLAM et MICHAEL DUNFORD décidèrent de jeter l'éponge, le retour à l'activité de RENAISSANCE constitue un événement de tout premier ordre dans le monde progressif, même si le groupe ne constitue plus aujourd'hui qu'un "culte mineur".

Il faut bien s'y résoudre, ce retour ne prendra certainement aucune allure de triomphe mais il ravira nombre des fans de la première heure (PROLOGUE - 1972)... tant la qualité de l'inspiration habitant ce TUSCANY apparaît... inespérée. Non que la belle ANNIE ait jamais commis de mauvais album, mais TUSCANY est le nouvel album de RENAISSANCE, et c'est toute la différence. Là où ANNIE HASLAM a naturellement tendance à éthérer, épurer le propos musical, RENAISSANCE revient à plus de densité, et qu'importe si le claviériste JOHN TOUT (encore présent sur 3 titres) est aujourd'hui remplacé par MICKEY SIMMONDS (FISH, CAMEL) celui-ci assure brillamment, avec tout le talent qu'on lui connaît la succession. Joie quand même de retrouver le trio TERENCE SULLIVAN (batterie) - MICHAEL DUNFORD (guitare acoustique, compositions) - ANNIE HASLAM (la voix d'or, faut-il le rappeler, non, LA VOIX). Après AZURE D'OR en 1979 dont les feux brillaient déjà plus faiblement que ses prédécesseurs, nombreux furent les fans désappointés par CAMERA, CAMERA (1981) et TIME LINE (1982) qui transformaient la grande inspiration classique, orchestrale et romantique du groupe en une pop assez fade et somme toute peu consistante... Personne, pas même les supporters indéfectibles d'ANNIE HASLAM auraient pu imaginer un tel retour, 17 ans plus tard... RENAISSANCE offre ici son meilleur album depuis A SONG FOR ALL SEASONS. Il n'est pas ici question de comparer les deux albums, car A SONG, beaucoup plus dense, beaucoup plus orchestral demeure nettement plus ambitieux sur le plan des compositions, et globalement au niveau des arrangements. Mais TUSCANY offre sans peine la même qualité mélodique : un ensemble de mélodies de rêve, sans un temps faible. La voix d'ANNIE (est-ce possible?) apparaît encore plus en beauté, et aussi encore mieux mise en valeur par le travail de production. L'instrumentation, globalement plus dépouillée sert magnifiquement la voix sublime d'ANNIE. Bien entendu, cette densité un peu moindre de la musique du RENAISSANCE actuel est héritière des travaux solo de la chanteuse, mais la différence apparaît cependant d'envergure : Quand ANNIE HASLAM s'ingénie parfois à inclure un certain minimalisme au niveau des arrangements (LIVE UNDER BRAZILIAN SKIES ou DAWN OF ANANDA, par exemple), RENAISSANCE renoue avec la luxuriance des arrangements, des envolées de claviers souvent dignes de l'âge d'or, une panoplie de synthétiseurs jetant une pluie d'or... Sans oublier, parfois une certaine fulgurance rythmique, comme dans l'étonnant "The Race". Pour finir, une brève description de l'album : il débute en fanfare, avec un "Lady from Tuscany" au tempo médium, à l'introduction orchestrale... avant que ne surgisse la mélodie, un rien accrocheuse mais imparable, interprétée par cette voix langoureuse, au velouté à nulle autre pareille. Vous êtes d'emblée assommé... Vous fondrez à l'écoute de la délicate mélodie de "Pearls of Wisdom", tendrement introduite au piano, accompagné à la guitare acoustique. ANNIE HASLAM module ici tout en douceur et règne, impériale, sans partage... Break central, le morceau s'emballe, prend des atours orchestraux dans la plus belle tradition de A SONG FOR ALL SEASONS. L'inspiration mélodique se situe à son summum, d'autant que JOHN TOUT a ici élaboré les arrangements pianistiques. "Eva's Pond" , plus dépouillé aurait pu figurer sur un album solo d'ANNIE : il s'agit ici d'un duo ANNIE HASLAM (voix) - MICKEY SIMMONDS (piano). Duo, seulement mais quelle intensité ! frissons garantis.

Avec "Dear Lanseer", on retrouve un RENAISSANCE au rythme léger, au tempo médium mais très orchestral, avec un refrain prenant (essayez de vous en défaire !). Quant aux vocalises d'ANNIE... Comment fait-elle pour tenir aussi bien sa voix dans les aigus? Magnifique voix de soprano...

Un peu moins dense, "In the sunshine" offre cependant une inspiration mélodique au sommet, la voix d'ANNIE balançant gentiment entre le piano de MICK et la guitare de MICHAEL. Encore un refrain imparable ! La suivante "In my Life"est ma préférée (et non pas la meilleure). Simple ballade, moins ambitieuse, et instrumentalement moins élaborée que les compositions précédentes, mais quel souffle ! Qui ne rêverait pas en entendant ANNIE chanter : "In my dreams, I think of you"... Voix de velours, voix de rêve, frissons... et quels arrangements. MICKEY SIMMONDS a tout compris au son RENAISSANCE. Il a su mettre en toute humilité son talent au service de la musique, et le résultat est prenant. "The Race" est sans doute le titre le plus rapide, et rythmé de l'album. Très dense, et orchestral ce morceau évoque les fastes de l'ancien RENAISSANCE, avec moins de sophistication au niveau de l'écriture musicale cependant... "Dolphin's prayer" est un hymne dépouillé, à la manière d'Eva's Pond, offrant la voix d'ANNIE sur le seul accompagnement des synthétiseurs de SIMMONDS. "Life in Brazil" vous ne serez pas surpris constitue l'un des titres les plus colorés et dynamiques de l'album, foisonnement de percussions, rythme enjoué, mélodie légère et entêtante, piano enjôleur et guitare acoustique rythmique omniprésente. Une splendeur ! L'album se conclut déjà sur "One thousand Roses", l'un des morceaux les plus ambitieux de l'album. Introduction solennelle, la voix d'ANNIE se détache sur un nappage de synthétiseurs évanescents... Break central, cassure de rythme, accélération, arrive sans ménagement la guitare acoustique rythmique de MICHAEL DUNFORD, la mélodie évolue pour changer totalement. L'un des morceaux les plus typiquement "progressifs" de l'album, ce "One thousand roses" en est assurément l'un des plus beaux joyaux. Ecoutez ces roulements à la grosse caisse de TERENCE SULLIVAN ! Ecoutez la montée en puissance des claviers, leur dimension orchestrale, quel souffle ! La voix d'ANNIE revient en conclusion au thème initial, soulignée par une fugitive et dramatique envolée de synthétiseur. Un final de rêve... Mais en doutiez vous? Attention chef d'œuvre (*****)

Didier GONZALEZ