THE WONDERFUL STORIES OF RENAISSANCE

INTRODUCTION

Un événement vient de se produire, juste après "Song for all saisons" de Renaissance, Illusion rentre dans la compétition avec "Madonna blues" un LP dépassant toutes les espérances. Qui est Illusion ? Le fondateur de Renaissance. Un qui après avoir laissé le groupe à des amis a été obligé six ans après de se reforger un autre nom. Cela nous a donné l'envie à Rock Hebdo de fouiller l'histoire complexe de cette formation engendrée par les Yardbirds, les pères de l'électricité moderne. Une histoire sans précédente, une histoire pleine de vie, de chaleur, de tristesse. Une histoire qui nous laisse quatorze LP de souvenirs et d'émotions caractérisés par la présence (nouvelle pour l'époque) d'une femme dans chacun des deux groupes, d'abord Jane puis Annie.

Bien loin de nos petits problèmes, punk pas punk, rock pas rock, planant pas planant, un groupe évolue depuis 8 ans avec la même ferveur, la même force, la même vitalité, sans se soucier de la mode. Les autres passent, se détériorent, vieillissent. et Renaissance reste. Car, oui, il s'agit de Renaissance, un des rares groupes à posséder une discographie d'une régularité chronique (1 disque par an depuis 1970) à avoir changé sa formation entièrement entre deux disques, sans en avoir modifié le style et l'esprit, à avoir gardé les 6 mêmes membres depuis 1972.

Renaissance en arrive à son 10e album "Song for all saisons" et Illusion à son second LP "Madonna blues". Un anniversaire, une consécration qu'il serait temps de reconnaître nous, européens. (Car les Américains, encore eux, ont depuis longtemps accepté et ovationné ce groupe).

Mais que lui reproche-t-on au juste ?

D'être classique. Voilà 90% de la critique se résume en un mot : classique. On lui reproche de sortir des thèmes composés par les grands des XVIIIe et XIXe siècles, de s'appesantir sur des mélodies léchées, alourdies par des orchestrations symphoniques, grandiloquentes, pompeuses, de ne pas parler un mot de français dans ses concerts francophones, de jouer des ballades à l'eau de rose, à la musique domestiquée, de décrire un univers petit bourgeois, d'élaborer des morceaux sans aucune audace de construction, ni aucun raffinement rythmique.

Renaissance a même été comparé à un gâteau à la crème, trop sucré et lourd à digérer… Ouf… Je ne discuterais pas ces critiques dont quelques-unes d'ailleurs sont justifiées. Nous ne sommes pas là pour ouvrir la polémique, mais pour essayer de faire ressortir le côté attrayant et positif du groupe.

Jamais personne n'a reproché à Renaissance de mal jouer ou de mal interpréter sa musique. Et là nous trouvons un point capital.

Renaissance a toujours proposé une musique discrète, fraîche, naïve, à l'image de sa chanteuse, une musique qui ne remet rien en cause dans la rythmique, dans la recherche sonore et dans la structure des morceaux.

Renaissance a créé ce style classico-pop. (Je laisse de côté "Ekseption"). Son expérience est unique au monde; le groupe fait partie de ceux qui proposent sans équivoque une transition entre le classique et le pop. Lui seul, peut-être plus que n'importe qui, peut prétendre établir un pont, afin de familiariser les inconditionnels du classique, à une structure pop, plus libre. Les Yardbirds, vous vous souvenez ? "For your life", "Got to hurry", "A certain girl", "Shapes of things". Et tout cela s'est déroulé de 1963 à 1968.

Ce groupe évoque deux mots le premier "électricité" Ainsi s'en explique son leader : "Si je devais définir en un mot ou en une phrase les Yardbirds, je crois que ce serait "électricité". Nous étions trop sauvages pour être couchés sur la bande magnétique".

Le second mot : "tremplin", car les Yardbirds ont servi à propulser d'énormes personnalités, tout comme Strawbs ou Nucleus; tout d'abord une brochette de 3 guitaristes parmi les plus grands de l'histoire : Eric Clapton (Cream, Blindfaith), Jeff Beck (Jeff Beck Group, BBA, Beck-Hammer) et Jimmy Page (Led Zeppelin). Nous trouvons également un batteur : Jim Mac Carthy (Strawbs, Armageddon, Illusion). Et devant ce déballage de monstres le moins connu s'appelle Keith Relf. En 1968, les Yardbirds se séparent. Keith paraît au bout du rouleau, la drogue, l'instabilité du groupe les mauvais managements l'ont usé. Après une longue convalescence, Relf revient sur la scène en 1969. Si ses compagnons sont restés dans la filière blues-rock, lui devient méconnaissable. Il trouve sa voix et son harmonie contre une guitare acoustique. Seconde jeunesse ou dernier sursaut ? Il s'entoure de son vieux copain Mac Carthy et de sa sœur, la très douce Jane Relf.

L'ossature est créée. Reste à y introduire les éléments qui apporteront le changement. On cherche, on fouille. On écarte les bluesmen, les rockers, les violents, tous ceux qui inspirent l'instabilité, la révolte. Keith n'a plus assez de force pour se battre.

Qui trouve-t-on ?

John Hawken (ex Nashville Teens) aux claviers et un bassiste d'origine française, Louis Cennamo.

Ces 2 musiciens ont une culture classique, un sens développé pour les arrangements harmonieux et mélodieux. Relf est sauvé.

Renaissance vient de se former en 1969.

Nous sommes en Angleterre. Et là, le groupe doit prouver sa valeur avant de faire un disque. Après une tournée discrète, il atterrit une première fois à l'Olympia au printemps 1969 (où l'accueil n'est pas mauvais) et une seconde fois le 6 janvier 1970. Ce second concert se situe dans le cadre d'une opération underground qui durera 6 jours à raison de 6 heures et de six concerts par jour. Quelques participants de marques se produisent : East of Eden, Yes, Moody Blues, Triangle,…

Renaissance y fait une bonne prestation et son bassiste Cennamo est ovationné par le public pendant de nombreuses secondes.

A quelques jours près, le premier album de Renaissance se trouve propulsé sur le marché, avec une publicité loin d'être négligeable. Puis le second album, "Illusion", sort en 1971. Et là, coup de théâtre, le groupe original se sépare. K. Relf reforme un autre Renaissance (qu'il produit) avec : Neil Korner, M. Dunford, T. Crow, et sa sœur Jane. (Voir M. Pine dans "Illusion").

Le groupe ne tient pas un mois et se sépare. Keith s'en va définitivement et rejoint Medecine Head.

Mac Carthy et J. Hawken restent avec M. Dunford et entament le 3e Renaissance. Mais bien vite, Hawken part retrouver Strawbs. Mac Carthy s'efface, alors que Dunford reprend l'affaire à son compte, s'entoure de vieux amis à lui et fonde le Renaissance que nous connaissons en 1978…

L'histoire semble impossible, mais pourtant elle est loin d'être finie. Keith Relf quitte Medecine Head, retrouve Mac Carthy et Cennamo. Ensemble ils forment Armageddon. Il manque un batteur (Bob Caldwell ex Johnny Winter) et un guitariste (Martin Pugh ex Steam Hammer). Armageddon sort un disque qui échoue. Relf s'affaiblit de plus en plus. Le groupe ne sort pas de l'anonymat. Relf a voulu par Armageddon retrouver la fougue des Yardbirds : peine perdue. Il dissout le groupe et revient à une forme plus paisible. Il forme Now avec avec les anciens Renaissance (Jane, Cennamo, et Hawken, ce dernier quittant Spooky Tooth). Dernière tentative de Keith, ultime battaille entre l'électricité et l'acoustique, car Relf meurt en été 1976. Les causes en seraient l'électrocution. Peu importe. Un grand personnage quittait l'onde de la musique et aucun hommage, digne de lui, ne lui était rendu. Quelle tristesse !!!

Now était l'idée de Relf. Ses compagnons dissolvent le groupe et reforment Illusion en 1977. Mac Carthy est venu les rejoindre. Illusion sort un disque "Out of the Mist", sorte de longs poèmes à la mémoire de Keith et un second disque, "Madonna blues". Mais qu'est-il devenu entre temps du Renaissance III formé par Dunford ?

Et bien, il se lance dans la compétition, sans complexe, attaque d'entrée avec son premier LP "Prologue".

Mais le marché anglais devient très dur. Renaissance est violemment critiqué. Les journalistes se déchaînent (rappelez-vous Jethro Tull), Renaissance participe à la réouverture du Royal Albert Hall. Ce concert est excellent. Les critiques s'apaisent. Mais cela ne suffit pas à la formation pour rester dans le Royaume-Uni; Renaissance émigre aux USA en 1974. L'hebdomadaire "Sounds" déplorera cet incident dans un article : << C'est toujours pareil les groupes qui ne plaisent pas, sont critiqués avant même d'être connus ou entendus. Un groupe qui a quelque chose à dire ne peut rester dans cette situation. Il préfère quitter la Grande-Bretagne, et tenter sa chance aux USA >>. Ce fut le cas de Renaissance. Après deux ans de tournées acharnées il devient une des stars aux States. "Turn of the cards" reste 6 mois au hit, alors que "Ashes are burning" ne fut même pas mentionné. Ceci dénote bien l'esprit américain. On donne la chance aux groupes. On n'hésite pas à se déplacer pour les voir. On les juge. Et seulement après on les consacre ou on les rejette.

Renaissance a gagné son pari. Sa tournée de 1977 se termine par un triomphe au Carnegie Hall. La section rythmique est remarquée (Camp, Sullivan). Pourquoi Renaissance a marché aux Etats-Unis ? Parce que ce sont des professionnels. De plus ce groupe a gardé sa formation depuis 73, ce qui est rare. Lors d'une interview au journal "Ciao 2001", la revue italienne, John Tout, le pianiste, s'explique de façon sur sa réussite et sur son avenir : << Cela n'a pas été facile. Les distances aux USA sont immenses et il nous arrive de jouer pendant des mois tous les jours. La concurrence est très forte, les musiciens de très haut niveau. Nous avons tenu bon, prêts à beaucoup de sacrifices pour montrer notre valeur. Et la récompense fut bonne. Le moral a suivi. En Angleterre ce n'était plus possible. Les Anglais écoutent ce qu'ils aiment. Les Américains sont plus ouverts, ils veulent avoir des comparaisons. Et c'est seulement à la fin du concert qu'ils décident, s'ils aiment ou pas. Quand K. Relf a fondé le groupe, la critique fut très dure, car ils voulaient retrouver les Yardbirds. Cela semble incroyable mais 5 ans après, l'histoire continue alors que nous n'avons rien à voir avec les Yardbirds. Moi j'aime la disco music. Aux Etats-Unis, je peux le confesser sans crainte de faire peur. Je n'ose même pas y penser en Europe. >>

Le jeu de Tout est efficace, puissant. Il oscille entre le classique et le folklore moyenâgeux d'Asie centrale. Cela ne l'empêche pas d'accompagner ses amis, par exemple Wisbone Ash (Argus). Ses connaissances musicales vont de Rachmaninov à Rimsky Korsakoff. John se définit musicalement : << Mon idéal serait de jouer dans une formation acoustique et de tourner dans des petites salles, mais c'est impossible car beaucoup d'harmoniques du piano se perdraient. On est arrivé à récupérer grâce à l'orchestre les parties symphoniques que l'on ne peut pas faire avec le mellotron. Je n'aime guère ce dernier instrument. Pour le public, j'aimerais jouer devant un auditoire russe. Peut-être en ai-je déjà marre des USA et aimerais-je conquérir l'URSS, ce que nous avons commencé à faire. Les ambitions de Tout sont considérables. Et tant mieux. Peut-être l'Europe de l'ouest comprendra-t-elle un jour qu'elle a perdu un grand groupe.

A remarquer que ce genre de pratique est courante. Il suffit de noter le nombre de musiciens, savants, écrivains, artistes, qui ont émigré aux States…

Je n'ai parlé de la tournée européenne de Renaissance en 1975, l'oubli est volontaire. Tout d'abord en Angleterre, le public se résume à 500 personnes par concert dans la majeure partie des cas. Puis la France. deux étapes sont à noter :

1) L'Olympia le samedi 19 avril 1975. Renaissance passe en première partie de Caravan Le concert se passe sans problèmes. Tout est au point. Annie éblouit l'Olympia. John maîtrise à merveille son piano acoustique. Le public applaudit de façon réservée. Il est venu pour voir un Caravan vieilli, meurtri, bien loin de "In the land of grey and pink". Mais Caravan restera Caravan quoi qu'il fasse, et pour des siècles. Amen.

Que voulez-vous ?

2) Puis en août 1975, Renaissance se produit à Orange, entre deux trombes d'eau. Aucun commentaire ne paraîtra dans les journaux spécialisés. Devant ce demi-échec, le groupe réintègre les USA et prépare une tournée au Canada. En décembre 1976, il se produit à Montréal. La ville attendait cet événement depuis 69. Je cite : << la foule de l'Outremont a bu le concert d'une seule lapée et adonné dans l'apothéose avec le rappel où les cieux se sont allumés. Le lendemain, à la radio FM, on entendit une fille annonceur, rapporter que des amis lui avaient dit que ce concert avait été le meilleur à Montréal depuis quelques années. C'est trop énorme pour qu'on y croit et même si c'est vrai, il n'y aurait pas moyen de le savoir. Ce qui, du reste est une faveur mathématique que le hasard fait à la mémoire. Ce qui n'empêche pas que ce jugement a été fait et qu'il témoigne d'une certaine ferveur de la foule ce soir-là. >> (Main Mise, journal du Québec).

Un an après, le 10 février 1977, Renaissance se produit au forum de Montréal mais avec moins de chance. Le concert en plus de ses 2 h 12 de retard ne durera que 1 h 16. Les critiques sont peu élogieuses : << Ils commencent à 23 h 12 et sortent à minuit 17. on applaudit mollement un long laps, puis une chanson en rappel, égale au spectacle, égal à ce qu'il avait fait à l'Outremont, égaux aux disques, égaux entre eux, aux chansons égales la naïveté, mélodieuse, attardée. Résultat : Tout s'achève à minuit 28. >> (Main mise)…

Depuis ce temps, Annie réalise un album solo avec son copain Roy Wood, et Illusion lance sur le marché "Out of the mist" et "Madonna blues". Renaissance quant à lui sort "Movella" et "A Song for all saisons". Trois voies bien différentes et pourtant une certaine unité émane de cette famille. Les musiques inspirent le même calme, la même sérénité, sans pour cela se répéter, car chaque nouveau LP a sa propre couleur, la petite chose qui fait qu'on le trouve différent. Ce n'est pas une musique progressive, certes, ni une recherche poussée. C'est tout simplement une musique émotive, rationnelle, une musique nostalgique d'un passé, une musique basée uniquement sur les mélodies (et Dieu sait que leurs mélodies sont belles). Elle englobe le classique dans une structure pop avec quelques pointes de folk et de ballade typiquement anglaises. Ce n'est pas un groupe voué au hit-parade car la voie choisie n'est pas des plus simples. Avec ses 11 disques en 9 ans, Renaissance s'est forgé un public plus ou moins important selon le pays. La France quant à elle, a toujours établi un ghetto sur ce groupe, laissant généreusement publiées au moins 3 à 4 pages et 5 photos en 10 ans. Nos confrères italiens sont plus vigilants, puisque dans le numéro du 23 janvier 77 de "Ciao 2001", ils publient 3 pages sur le groupe.

Enfin l'erreur est maintenant réparée :

Fier de ses mélodies aux accents classiques

Et de ses deux chanteuses frêles, douces et romantiques

Renaissance vous emmène dans un voyage idyllique

Celui de la tendresse, de l'harmonie, de la musique…

Cette musique vous berce vers l'illusion

celle des cendres brûlées

Le rêve de la fête foraine vient de s'inscrire sur le dos de la carte

Une musique commune à toutes les saisons vient de sortir de la brume.

Rois et Reines envahissent le palais. Shéhérazade préside l'assemblée.

Le prologue commence au pays des merveilles.

Je vous laisse découvrir le monde enchanté de RENAISSANCE.

 

QUEENS AND KINGS

Face 1 : Kings and Queens - Innocence.

Face 2 : Island - Wanderer - Bullet.

La musique pop en 1969 est en pleine mutation. Nous sortons juste de Woodstock et du festival de Wight. Les représentants en vogue sont Hendrix, Creedence, T.Y.A., Who… Nous sommes imprégnés de rock-blues et les expériences de musique sophistiquée et symphonique n'existent pas, faute de moyens (absence de synthé, de mellotron, de claviers électroniques) et de technique de la part des musiciens. Nous relevons tout de même Procol Harum, un peu de Beatles, Moody Blues et Nice (K. Emerson). Yes débute à peine et King Crimson n'est pas né. Triste bilan. Voilà donc le cadre où émerge "Queens and Kings", premier album de Renaissance. Vu les membres du groupe (ex Yardbirds, Herd…), on s'attend à une musique chaude, électrique, violente, rock-blues. Surprise !! La face un du disque débute sur "Queens and Kings". Une ouverture au piano nous permet de définir immédiatement John Hawken. Puis au piano s'ajoute la basse de Cennamo, aux accents classiques dans le fond et free dans la forme? Si Jane Relf, sœur de Keith, se fait discrète dans cette première face, elle s'affirme dans "Island", le "tube" du disque (repris en 45 tour itne ement arrangé par Hawken ; Jane s'impose dans "Wanderer" et déploie tous ses talents (et dieu sait qu'elle en possède). La voix féminine, chaude, sensuelle, s'envole comme jamais on ne l'avait entendue auparavant dans un groupe. De plus les femmes sont très rares en 1969 en Pop.

Notons que dans "Bullet", Keith reprend son harmonica et joue un court morceau, nostalgie ou adieu définitif aux Yardbirds ? Cennamo effectue un travail considérable à la basse. Il suit avec précision et délicatesse tous les solos de piano. Il suffit d'écouter les finaux d'"Island" et de "bullet". Quand à K Relf, il survole le disque en concepteur. Il n'a plus la force et l'énergie de s'exprimer. Il laisse aux autres le soin de traduire ses sentiments. Car les interventions de Keith à la guitare sont peu nombreuses et fort mal intégrées.

Ce disque s'impose en définitive comme une anthologie des expériences classico-pop et dégage une ambiance paisible d'un Relf partiellement ressuscité.

En nous pardonnons volontiers les longueurs du pianiste, les emprunts à Bach…, le classique mis à toutes les sauces le mixage peu génial. Car en échange nous y découvrons l'émotion d'un musicien que l'on semblait déjà avoir enterré…

 

ILLUSION

Face 1 : Love goes on - Golden thread - Love is all - Mr Pine

Face 2 : Face of Yesterday - Past orbits of dust

2e disque du groupe. Ce qui frappe d'entrée, c'est la pochette sombre. Un enfant marche dans l'espace avec pour unique ligne, un chemin de 50 cm de large, sinueux. Jusque là, rien de dramatique. L'enfant après un long voyage devient vieillard et s'apprête au bout de la route à franchir le dernier cap de sa vie, la mort que symbolise un squelette jouant au violon (St-Saëns). Je vous laisse la contempler car l'explication freudienne risquerait de durer des heures. La voix de Jane s'est encore affermie dans "Golden Thread". De très belles vocalises viendront se fondre sur les accords délicats au piano de John. Rien que ce morceau vous rembourse l'achat du disque. La guitare électrique de Relf possède toujours ce son âpre et amateur. Le mixage est loin d'être irréprochable.

"Love is all" remplace "Island" dans la course au hit. Il n'y a rien à dire sur cette mélodie, sinon qu'elle frise la variété. Le plat de résistance se trouve sur la seconde face.

Au long morceau "Face of yesterday", très doux et reposant, succède la pièce maîtresse du disque "Past orbits of dust", sorte d'étude réunissant les différents mouvement de la musique pop : jazz-rock, recherche sonore et classique.

Cette ébauche de 14'40'' peut en dire long sur l'avenir du groupe, et son désir de se détacher progressivement de la musique classique. Seulement, nous voyons apparaître dans illusion, 3 éléments inquiétants :

1. Michael Dunford à la guitare, qui signe le morceau "Mr Pine"

2. Betty Thatcher qui écrit les paroles de "Love is all" et "Past orbits of dust"

3. Nous trouvons dans "Mr Pine" une formation tout à fait différente. Que cela cache-t-il ? L'avenir nous le dira. Pour l'instant, Renaissance marche bien, Keith reprend confiance en lui, quitte son passé et son… … … harmonica.

 

PROLOGUE

Face 1 : Prologue - Kiev - Sounds of the sea

Face 2 : Spare some love - Bound for infinity - Rajah Kahn

Tel le lézard quittant sa peau dans les premiers jours du printemps, la mutation de Renaissance s'est effectuée comme nous l'avions pressentie dans Illusion. Sans fracas, sans claquement de porte : à rien y comprendre. Le nom est resté, mais l'intérieur a radicalement changé. Que s'est-il produit ? L'histoire nous le dira. En attendant, les deux personnes qui avaient montré le nez dans "Illusion" se sont bel et bien installées. Dunford et Thatcher composent les musiques et paroles à 90%. L'ultime rescapé est Mac Carthy qui signe timidement deux chansons. Et son ami Relf ? De nouveau malade ? Keith a disparu. Incroyable. Enfin, écoutons sans préjugé (ce qui n'est pas évident pour un pauvre français comme moi) ce disque.

Petit mot sur la pochette conçue par les spécialistes d'Hipgnosis qui réalise encore un chef d'œuvre ; le montage photo retranscrit une ville futuriste, brumeuse, inquiétante, sauvage.

Quant à la musique, elle se situe toujours dans une optique classique. John Tout, le nouveau pianiste possède une solide structure classique. Il est entouré d'Annie Haslam, chanteuse à la voix pure et douce et d'une section rythmique irréprochable. Quelle différence existe-t-il par rapport aux Hawken, Cennamo, Relf ?

Je réponds sans hésiter : le son. Si Renaissance 1 dégageait avant tout une émotivité et une sensibilité, ce qui lui permettait de masquer les petites imperfections, Renaissance 2 fait figure de professionnel. Le son est soigneusement élaboré, les improvisations deviennent inexistantes. Et pourtant, le groupe dégage la même fraîcheur et la même sérénité.

Prologue, le nom de l'album et du premier morceau, fixe le cadre de la nouvelle formation, à savoir, un long essai classique dominé par le piano (reprenant des œuvres de Bach et de Rachmaninov…) et les vocalises sublimes de Haslam.

"Kiev" et "Bound for infinity" de Mac Carthy sont 2 belles mélodies douces, sans grand intérêt.

Le morceau le plus éclaté du disque reste "Rajah Khan" sorte de symphonie classico-orientale dans laquelle Francis Monkman ancien rescapé de l'école soft et fondateur du curvedair viendra placer un délirant solo de VCS 3.

La musique s'enrichit sur la fin de bandes magnétiques passées à l'envers, de vocalises travaillées électroniquement, de tambours de rythmes africains.

(x1) A noter la bonne présentation du guitariste Rob Hendry qui apporte dans "Rajah Khan" l'émotion des premiers LP d'Amon Duul 2 (voir Kris Karren, Daniel Filschelcher).

Un beau disque pour amateur de belles mélodies.

 

ASHES ARE BURNING

Face 1 : Can you understand - Let it grow - On the frontier

Face 2 : Carpet of the sun - At the Harbour - Ashes are burning

Ce disque caractérise la dernière étape du groupe jusqu'à nos jours. Rob Hendry est parti. Renaissance se stabilise. Michael Dunford qui compose 90 % des musiques, prend timidement la guitare acoustique, mais se refuse à rentrer dans le groupe. Mac Carthy, quant à lui, régresse. Il ne compose plus qu'un seul morceau. John Tout se met petit à petit aux claviers électroniques, notamment dans "Can you understand". Ce morceau décrit une atmosphère de chants grégoriens, de neige, de traîneaux tirés par des chiens, et laissant résonner leurs sons de clochettes dans le lointain. Nous sommes en pleine Asie Centrale, dans les steppes de Rimsky-Korsakov. John Tout traduit son sentiment à travers les compositions de Dunford. La voix d'Annie prend son envol, avec force et fragilité. Contradiction. Non. Annie possède la voix frêle sensible, d'une adolescente que le moindre souffle peut ébranler. Tout le charme réside dans cette instabilité. Le morceau se termine de manière classique, c'est-à-dire comme il commence.

Nous ne coupons pas aux hits avec "Let it grow" et "Carpet of the sun". Sans commentaire. Une superbe mélodie "At the Harbour", où la guitare de Dunford prend enfin une signification. L'ambiance du port ne serait pas complète sans un son d'accordéon rendu par l'orgue. Nous finissons sur "Ashes are burning" morceau de structure pop. Tout aux claviers (orgue, synthé) et Andy Powell à la guitare, effectuant un final digne de Whisbon Ash.

Nous regrettons dans le disque le manque d'accélération de ce type. La belle fin de "Rajah Khan" dans Prologue n'est donc pas confirmée.

 

TURN OF THE CARDS

Face 1 : Running Hard - I think of you - Things I don't understand

Face 2 : Black flame - Cold is being - Mother Russia

Michael Dunford après 3 ans se décide à rentrer dans le groupe en tant que guitariste attitré, mais se refuse toujours à jouer de la guitare électrique. Et bien, cette fois-ci, n'ayant toujours personne pour assurer les parties de guitare électrique, le groupe décide de s'en passer. Renaissance a émigré aux USA en signant chez Sire Records (Warner bros). Sa tentative anglaise et européenne a échoué. La cause ? Le conventionnalisme et le dogmatisme des Anglais.

Les vocaux du groupe se sont élargis : Annie reste la voix principale mais la totalité du groupe accompagne les chansons sous forme de chœurs. Le hit est toujours présent : "I think of you" (3'07''). Le disque n'apporte pas grand chose pour la connaissance du groupe. Peut-être passent-ils par une période transitoire car le marché américain demande une organisation et une structure (à la dimension du Pays). Malgré une très belle reprise de l'"adagio d'Albinoni" où Annie se lance dans un exercice de virtuosité vocale, la très belle guitare de Dunford dans l'ouverture de "Black Flame" et un essai avec orchestre symphonique à la couleur russe dans "Mother Russia", le disque est un peu lourd à digérer et loin d'être indispensable.

 

SCHEHERAZADE

Face 1 : Trip for the fear - The vultures fly high - Ocean gypsy

Face 2 : Song of Shéhérazade

Renaissance est proche de la consécration. "Turn of the cards" a rempli les poches de ses musiciens. Enfin, ils vont pouvoir se livrer à leur vieux rêve : "tourner" avec un orchestre symphonique. C'est une opération onéreuse (voir E.L.P.). Mais si cette dernière est menée à bien, elle peut devenir rentable à tous les niveaux. Renaissance possède les moyens et l'ossature pour réaliser cette entreprise.

Il reste à trouver l'œuvre à interpréter. Entre deux vieilles partitions, Tout découvre "Schéhérazade" de Rimsky Korsakoff. Il le soumet à ses comparses. Accepté à l'unanimité. Thachter travaille les textes, comme d'habitude, et Dunford compose les mélodies de base à la manière du maître russe. Le résultat est très réussi. Jon Camp vient de découvrir un nouveau domaine, celui du chant. Il ne se contente plus des "backgrounds vocals" (part. 2 Betrayal).

En plus, il co-signe 3 morceaux sur 12 avec Dunford. Fin de la suprématie Dunford-Thachter ? Il est trop tôt pour donner une réponse précise. Pour le moment, Renaissance partage son large succès. Il réalise un parfait équilibre entre l'orchestre et la formation pop. Nous nous rappelons trop les expériences peu satisfaisantes de Caravan, Ekseption, Deep Purple pour ne pas apprécier Schéhérazade. Ici, les deux éléments sont indissociables. Tout met ses claviers à la bonne mesure, règle le volume sonore, n'abuse pas ni de l'orgue, ni du synthétiseur. Ce n'est pas Wakeman, ni Emerson, même si de temps en temps, John se sent pousser des ailes de soliste (part 1 : Fanfarre - part. 7 : Fugue of the Sultan).

Mais attention ! Les solos de Tout sont intégrés dans l'esprit de groupe. Il n'abuse pas de ses talents outre-mesure… Ecoutez tout de même sur l'autre face "Trip to the fair" sorte d'Alcie au pays des merveilles qu'interprète délicieusement Mademoiselle Haslam (elle retrouve son élément favori).

Qu'apporte cet album dans l'édifice Renaissance ?

Il apporte une étape supplémentaire dans la composition. Renaissance s'attaque pour la première fois à un morceau de 23 mn.

Facile, me direz-vous ? Certes. Mais : alors qu'il est facile de faire un morceau de 23 mn avec des improvisations et des longueurs incontrôlées, l'exploit devient moins courant quand il s'agit d'aligner une face de musique construite et cohérente (cf, Suppers ready de Genesis). Renaissance prouve son aptitude et son honnêteté. Car à aucun moment, Renaissance ne flirt avec le blues, le jazz, le rock. C'est en cela que sa démarche est unique, à l'opposé de Genesis, Gentle Giant, P.F.M…

Une grande et belle pièce qui trouvera sa place entre l'œuvre classique (Korsakoff - Borodine - Prokofiev) et l'œuvre pop (Genesis - K Crimson, E.L.P.).

 

LIVE AT CARNAGIE HALL

Face 1 : Prologue - Ocean Gypsy - Can you Understand

Face 2 : Carpet of the sun - Running hard - Mother Russia

Face 3 : Schéhérazade

Face 4 : Ashes are burning

Pourquoi ce double album, que peut-il apporter à la musique de Renaissance, le groupe n'improvisant que rarement lors d'un concert ? Et bien détrompez-vous. Ce disque possède une triple signification Il a été enregistré au Carnagie Hall avec un orchestre symphonique et ce fut le dernier concert américain d'une tournée triomphale, d'où l'idée d'inscrire l'événement sur une galette de vynil. De plus, le disque est remarquablement enregistré et permet aux personnes qui voudraient découvrir le groupe, d'acquérir un tremplin de départ. Puis nous assistons à deux fantastiques morceaux, l'un de 28 mn et l'autre de 23 mn, où éclatent des improvisations. Revenons à ces deux plages :

1) "Ashes are burning" qui passe donc des 8 mn du studio à 23 mn sur scène. Rien de bien différent au départ où l'on note quand même que la voix d'Haslam n'a besoin d'aucun trucage pour s'exprimer. Ce morceau nous démontre combien la voix d'Haslam est frêle à la limite d'une fausse note, d'un dérapage. Mais il n'en est rien… Annie est blonde, grande, habillée d'une grande robe à l'aspect romantique. Son personnage correspond à son chant, à sa voix. Puis, J. Tout, se lance sur ses claviers : Piano, piano électrique, string ensemble, orgue Le classique évolue en jazz.

Puis la "claque" du disque : le solo de basse de Camp. Tous les gadgets : phasing, distortion, wah, wah, volume, écho… sont employés à bon escient. Le son de la basse est à l'image du groupe : doux, mélodique. La reprise avec l'ensemble de l'orchestre s'effectue par un ralentissement du solo qui se fixe sur un thème. La guitare n'a plus qu'à se fondre. La machine est repartie.

Tout reprend le thème, improvise de nouveau. Le final à l'orgue, Hammond rétablit l'ambiance calme et permet à Annie de torturer sa voix dans les aigus. Maîtrise, cohésion, virtuosité, humour, tout y est.

2) Shéhérazade (28'50'')

Tout commence en soliste avec l'orchestre de New York en fond, et petit à petit, chaque élément de la formation pop va reprendre sa place. Je crois que Rimsky Korsakoff peut dormir tranquille dans sa tombe, car l'esprit de son œuvre, loin d'être trahi, a redécouvert une autre dimension.

Tout s'avère bon pianiste et il le prouve. La guitare de Dunford apporte le petit coin de fraîcheur, folk et populaire, qu'un trop grand étalage de classique pourrait étouffer.

Nous sommes comblés. Annie, toujours aussi belle, termine le morceau.

Le public applaudit. C'est le délire.

 

NOVELLA

Face 1 : Can you hear me ? The sisters

Face 2 : Midas man - The captive heart - Touching once

Ce disque sort en janvier 1977. Il représente l'œuvre symphonique la plus achevée de Renaissance. Thachter et Dunford n'ont plus la suprématie de l'écriture littéraire et musicale car Jon Camp signe 3 morceaux sur cinq et J. Tout 1.

Renaissance a atteint une maturité parfaite et en particulier dans "Can you hear me" et "The sisters", un seul et unique morceau de 20'43'' (face 1).

Tout y est beauté, poésie, amour. Si Dunford se refuse toujours à la guitare électrique, il devient de plus en plus précis à la guitare acoustique. Nous trouvons dans "Can you hear me" des vocaux au-dessus de tout soupçon, un orchestre dirigé par Richard Hewson, parfaitement intégré, des contre-chants de "toute beauté" au synthé, des sonorités riches et travaillées, des leitmotive d'une grande originalité. Tout s'est mis une bonne fois pour toutes aux claviers. Mais il s'en sort avec méfiance et contrôle, pour notre plus grand bonheur, d'ailleurs, car nous n'assistons à aucun effet de saturation.

Un son de cloche annonce la dernière partie "The sisters". Un rythme lourd, pesant, martelle la mélodie. L'ambiance est tendue. La chaleur vient d'atteindre son paroxysme. Renaissance reprend ensemble une dernière fois le thème de "Can you hear me", puis s'efface et laisse le Moog de Tout, reprendre le chant. Puis, le Moog s'efface à son tour et la guitare classique de Dunford conclut un fantastique solo espagnol. Chaque note se détache, s'envole sur un fond étoilé. Nous sommes très proches d'Asturias et de Aranjuez, c'est-à-dire en pleine Espagne. Et plus la rythmique de Tout, Sullivan et Camp devient lourde, plus le solo de Dunford prend sa signification profonde. Il apporte ce coin de fraîcheur et d'espérance que l'on recherche à la tombée de la nuit en plein cœur de la Castille. Michael se bat, les cordes se plient peu à peu sous ses doigts. L'effort est d'autant plus dur qu'il captive une partie de l'esprit. Michael s'exprime si simplement que notre cœur ne peut que le suivre et le comprendre. Le message vient depasser, de sortir du sillon, l'émotion devient réelle, au bord du délire. Seule, Annie intervient douce et légère comme à l'accoutumée, pour conclure. Dunford pose sa guitare délicatement, "Sisters" vient de se terminer il y a trois minutes. Et nous restons dans le même état d'esprit. Nos membres ont du mal à reprendre leur habitudes. Un climat de tendresse et de rêve s'est installé dans nos esprits fébriles. L'image est parfaite, le monde de l'enfance est respecté : phantasme, joie, peine, rêve, solitude.

Tous ces sentiments se trouvent réunis dans ce cylindre de vinyl. La réalité reprend le dessus au bout de 6 minutes Les membres se détendent, les oreilles retrouvent leur dose de bruits. Mais peu importe, car l'empreinte est indélébile. Et nous savons très bien qu'il suffira de remettre cette même galette sur la face 1 pour que tout redevienne comme avant avec la même précision. Alors, qu'attendez-vous pour faire le voyage ?

 

OUT OF THE MIST

Face 1 : Isadora - Roads of freedom - Beautiful country - Solo flight

Face 2 : Everywhere you go - Face of yesterday - Candles are burning

Surprise !!!! 7 ans après, Renaissance revient sous le nom d'Illusion. Il aura fallu 7ans pour attendre la confirmation d'un morceau comme "Past or bits of dust".

Entre temps, bien sûr, de petits changements sont intervenus.

Quand je dis petits, je devrais écrire énormes. Car K. Relf est décédé. Eh, oui ! Comme quoi, les paroles de Mac Carthy prennent peut-être toute leur signification, aujourd'hui : << Quand quelqu'un vous fera l'apologie des drogues dures, parlez-lui de Keith Relf >>. Enfin, nous ne sommes pas là pour polémiquer sur l'herbe, l'alcool, les piqures…

Ce disque est donc un hommage à Relf. Et la dernière prière avant d'envoyer la traditionnelle petite poignée de terre, se résume dans "Face of yesterday".

Je pense ne pas être le seul à avoir éprouvé un petit pincement au cœur en écoutant cette musique. Le son n'a pas bougé, excepté la guitare 12 cordes que Mac Carthy a ajouté délicatement en fond aussi délicatement que l'aurait fait Keith. La voix de Jane a changé un peu, mais le plus important est resté : la douceur et l'émotion. Fin du morceau : on attaque sans plus tarder sur un rythme rapide, "Candles are burning". Knightbridge, le nouveau guitariste, fait une courte apparition. Rien à dire sur ce guitariste, sinon qu'il tient une place honorable. "Roads of freedom" et "Beautiful country" sont 2 remarquables mélodies, capables de trouver une place sur les antennes de radio, creant ainsi un pont entre le classique, le pop et la variété, Et nos oreilles ne s'en porteraient que mieux. Mais que voulez-vous ? Pop et radio sont incompatibles (…).

Sans être un disque révolutionnaire, "Out of the mist" traduit une volonté, celle de repartir après 7 ans d'absence, et celle de sortir du brouillard…

Après tant d'années, ce disque arrive comme le prolongement d'Illusion (le disque paru 71).

Ecoutez ce disque, il vous fera découvrir ce que vous avez peut-être manqué en 1971. Il se contente de rétablir la liaison avec 1977 en gardant le même esprit et presque le même son.

Attendons le prochain LP avec l'impatience qui caractérise l'enfance. Car, je vous avoue que "Out of the mist" m'a sérieusement mis l'eau à la bouche.

Dernier détail que j'ai gardé pour la fin : écoutez "Isadora", le premier morceau du LP. Vous y découvrirez…

 

Annie in Wonderland

Face 1 : Introlise, I never believed in love, If I loved you, Hunioco

Face 2 : Rockalise, Nature boy, Inside my life, Going home

Premier signe de dispersion d'un groupe : les albums solos. Et l'histoire de la pop est longue de ce genre d'aventure : … Yes, Genesis, … Pour Renaissance, cet album solo d'Annie, représente la première fugue en 5 ans. Mauvais présage ? Nous ne sommes pas là pour faire de la musique fiction. Un fait est néanmoins certain : Annie aurait aurait mieux fait de ne rien entreprendre. Le meilleur morceau est signé Jon Camp (le bassiste de Renaissance) : "If I were made of music". Jon vient de nous montrer, après la basse, la composition de musique, et le chant une nouvelle facette de son talent. Il joue de la guitare acoustique dans ce morceau, et de fort belle manière.

L'harmonie dégage un petit côté Genesis, et le mixage est irréprochable.

- Et le reste du disque ?

- Pauvre.

Roy Wood compose la quasi totalité des morceaux et joue de tous les instruments. Bilan ? Le héros de "Wizzard", tient fort mal les vents, la batterie, le sax, la basse et les claviers. Que lui reste-til ? Son instrument, c'est-à-dire la guitare. Et la voix d'Annie, me direz-vous ? Elle souffre beaucoup de cette mauvaise orchestration. Pour la première fois, elle vient de définir ses limites. Il suffit d'écouter "Rockalise" où la batterie de Roy (lourde de 300 kg) écrase la frêle Annie. Le reste nage dans la variété américaine ("Inside my life", "Nature boy"), dans le chant de Noël (Going home), dans le gag africain (Hunioco), dans le country de mauvais goût (I never believed in love) et dans les guitares napolitaines et les balalaïkas russes (I loved you). Un disque pour collectionneur, pour fan inconditionnel. Inutile pour les autres.

 

SONG FOR ALL SAISONS

Face 1 : Opening out, Day of the dreamer, Closer than yesterday, Kindness

Face 2 : Back home once again, She is love, Northern lights, Song for all saisons

Nous voici presque arrivés au bout de cette longue route. Et mine de rien, nous avons remonté 10 ans, sans le secours d'une machine infernale ou d'un savant diabolique. Uniquement par le biais de l'imagination. Et Renaissance, dans tout cela ? Il se porte à merveille. Toute la vie de ce groupe, fut un combat entre les valeurs sûres du classicisme, le folk électrique et la variété américaine. Et "Song for all saisons", dernière production en date du groupe, nous donne encore un aspect de cette lutte à savoir le virage sensible vers le folk et la variété. (Contrairement à "Novella" et Shéhérazade, qui symbolisaient l'œuvre classique).

Avant de rentrer dans le rêve musical, quelques points émergent de ce LP :

1) Une pochette luxueuse et bariolée et un très joli poster à l'intérieur, illustrant les 4 saisons (bien qu'un groupe du nom d'Harmonium ait prétendu qu'il y en avait 5).

Les photos des musiciens sont excellentes. Nous devons l'ensemble à Hip gnois (encore eux).

2) Dunford s'achète une guitare électrique.

3) Jon Camp vient de conclure son intégration dans le groupe, telle que nous l'avons décelée. Il co-signe 5 des 8 titres avec Dunford et en compose un en solitaire. Il chante deux morceaux en "lead vocal" ; lui aussi s'achète une guitare électrique. Beaucoup de perturbations. L'équilibre se rétablit petit à petit, entre les membres. Mais au détriment de certains (ce qui détruit l'équilibre à nouveau).

Disque un peu décevant dans son ensemble, sans parler des deux morceaux à consonnance "variété soupe à l'américaine" (Back home again) qui est d'ailleurs l'indicatif d'une émission TV aux States et "Closer than yesterday". Une partie du reste est noyée par l'orchestration abusive du "Royal Philharmonic Orchestra" sous la direction d'Harry Rabinowitz.

("Nothern Lights" et "Day of the dreamer").

Les endroits de fraîcheur et d'émotion deviennent plus rares.

Après maintes recherches, nous les trouvons dans morceaux de tendance folk ("Kindness" et "Song for all saisons") ou bien dans les pièces classiques ("She is love") Je vous ai gardé pour la fin la petite friandise du disque "Openning out" où nous retrouvons l'ampleur de "Can you hear me ?" de Novella. Un morceau de guitare (avec pédale volume et phasing) vient se loger vers la fin. Mais il est tellement beau et court que Dunford nous donne l'impression et la confirmation de sa peur accrue pour l'électricité.

Renaissance vient de tomber dans le piège qu'il avait toujours évité jusqu'à maintenant : à savoir la prédominance de l'orchestre symphonique. Dommage, souhaitons-leur que "Song for all saisons" soit un disque d'étape, au même titre que "Turn the card". En conclusion, un disque très inégal.

 

ILLUSION "MADONNA BLUES"

1. Madonna Blues - Louis's Theme

2. Wings Across The sea - Cruising - Nowhere - Man of miracles - The revolutionnary

Après "Out of the mist", Illusion sort définitivement du brouillard. Son second album ne porte pas de nom, ce qui prouve qu'Illusion a décidé de commencer sa véritable carrière par ce disque. Pour des raisons de commodité, nous l'appelerons "Madonna blues", titre du morceau le plus important du disque.

Si Tout rappelait Keith Relf dans "Out of the mist", jusqu'à le pochette noire et la reprise de face of Yesterday, une page est tournée ? Ce qui n'empêche pas le groupe de reprendre deux morceaux inédits de Keith dans ce nouveau LP. << Adieu Keith, nous t'aimons bien et tu seras gravé à jamais dans nos cœurs >>. Rien que la pochette suffirait à faire délirer le premier rocker venu. Elle est peinte par Larry Learmarth, qui tout en reprenant le concept du premier album du groupe porte beaucoup plus loin l'espoir. La rivière traversant le paysage montagneux et torturé, aboutit à la mer par une somptueuse embouchure. Pourquoi s'attarder sur la pochette, tout simplement parce que à elle seule, elle peut vraiment exprimer d'un seul coup d'œil, toute l'œuvre de Renaissance et d'Illusion. Cette pochette est en réalité le symbole des yeux qui sont les éléments fondamentaux de l'esprit humain. Cette parenthèse étant close, il est à noter que cet album atteint en tout sens un certain sommet émotif.

Pas besoin d'attendre la fin du disque pour y trouver la substance fragile qui fait vibrer notre corps. Knightbridge, discret dans "Out of the mist", débute par un solo de guitare amorçant la voix de Mac Carthy suivie de celle de Jane qui éblouira le disque jusqu'à la fin. Après un début classique, John Hawken se rend maître de la situation. John ne joue plus que par accords décousus. Le rythme de la batterie imperturbable demeure et vient gagner la première manche. "Louis Theme" signe Cennamo/Relf, nous rappelle la classe du bassiste. Un son délicat, harmonique qui a perdu ses accents frre et fous d'antant. C'est ma foi, regrettable, mais les musiciens évoluent et le calme a pris part sur l'enfer électrique. Si "Madonna Blues" conceptualisait la mouette luttant avec le vent, "Louis's Theme" nous invite lui à planer. "Wings across the sea" nous rappelle à chaque note, "Face of yesterday", " "Never be the same", est le tube du disque, "Cruising" estle morceau rock de l'album au rythme séquentiel du polymoog, "Man of miracles", qui nous vaut encore un petit hommage à Keith Relf, avec autant de mélodies simples, pures,qui nous transportent dans le monde de l'Illusion. "The revolutionnary", un essai symphonique avec orgue, melotron, guitare acoustique et chœurs réalisés par Mac Carthy, Relf et Paul Samwell, Smith producteur et ex-Yardbirds, s'achève par un bruit de vent et de Tubular Bells.

Illusion vient d'entamer une longue carrière, parallèlement à sa petite sœur Renaissance. Illusion mérite les éloges les plus objectifs aux plus passionnés ! Producteurs de radio, journalistes, ouvriers, paysans, étudiants réunis dans un même combat. Illusion mérite une meilleur place qu'a pu obtenir Renaissance en soixante neuf.

 

THE NEXT ONE

Perspective.

Renaissance 3 n'a plus rien à prouver en 1978. Il a apporté sa longue contribution au patrimoine de la pop-music.

Il est connue en Angleterre, en France, en Italie, en Allemagne.

Il remporte un immense succès aux USA (où le groupe s'est établi). Depuis 1972, la formation reste inchangée et reprend les mêmes éléments. Tous les disques sont imprégnés de classicisme, de belles mélodies, d'arrangements bien composés. John Tout reste attaché à son piano acoustique, Haslam possède toujours sa voix d'or, la section rythmique Camp-Sullivan est solide efficace, Dunford-Thachter composent musique et paroles avec la même régularité. Tout continue au rythme d'une rivière traversant les grandes plaines du nord. Mais l'eau claire et limpide à la source, perd sa pureté au fil des berges un peu plus de sable et d'alluvions. Et là deux solutions :

- Soit cette rivière se jette dans un lac fermé. L'eau se déminéralise, devient stagnante, puis malsaine. C'est la fin.

- Soit cette rivière se jette dans la mer et là, nous débouchons sur de nouvelles perspectives. Renaissance, comme beaucoup de groupes actuels, arrive au moment du "bon choix". Et, "Song for all saisons" caractérise l'embouchure. Si nous résumons les différentes possibilités :

- Soit Renaissance continue au même rythme et son public risque de se lasser rapidement.

- Soit il se dissout. Là, aucun problème ne se pose, sinon d'avoir perdu un grand groupe.

- Soit il s'attaque au marché de l'est (comme le laisse sous-entendre J. Tout). Dans ce cas, nous pouvons espérer avoir des changements, ne serait-ce que par une restructuration du groupe devenant plus acoustique.

- Soit Renaissance évolue amicalement, fait quelques concessions et revient en Europe pour y effectuer une vraie carrière.

(Cela réjouirait et rassurerait tous les dogmatiques et les sectaires de France et d'Europe. Autant de questions, autant d'incertitudes). Mais pourtant une 5e voie existe. Nous disposons à l'heure actuelle de 2 formations : Renaissance et Illusion. Cette dernière peut espérer prendre le relai avec la sortie de son dernier album, le prodigieux "Madonna blues". Une compétition s'engage entre les deux groupes venus de la même source. Et j'espère que cette fois-ci vous ne resterez pas indifférent.

Luc MARIANNI

Le 1er avril 1978

Françoise CROUZIER

 

MUSICIENOGRAPHIE

KINGS AND QUEENS :

John Hawken claviers : Guest Star

Keith Relf guitare

Jane Relf vocal

Louis Cennamo bass

Jim Mac Carthy batterie

ILLUSION

J. Hawken : Neil Korner bass

K. Relf : M. Dunford guitare

J. Relf : T. Slade batterie

L. Cennamo: T. Crowe vocal

J. Mac Carthy : Don Shin piano

OUT OF THE MIST

MADONNA BLUES

J. Hawken : J. Knigtbridge guitare

J. Relf : E. Mac Neil batterie

L. Cennamo

J. Mac Carthy

PROLOGUE

John Tout claviers : J. Mac Carthy musique (guitare)

Annie Haslam vocal : F. Monkman curvedair

John Camp bass : M. Dunford guitare

Terry Sullivan batterie : Rob Hendry strings

Betty Thachter

ASHES ARE BURNING

John Tout : M. Dunford guitare

A. Haslam : A. Powell (wishone ash) guitare

T. Sullivan : J. Mac Carthy musique

B. Thatcher

TURN OF THE CARDS

SCHEMERAZADE : John Tout

LIVE AT CARNAGIE HALL : A. Haslam

NOVELLA : John Camp

SONG FOR ALL SAISONS : T. Sullivan

M. Dunford guitares

B. Thatcher

Annie IN WONDERLAND

Annie Haslam : J. Camp bass

Roy Wood (tous les instruments) : D. Donovan batterie L. Clark : claviers

 

DISCOGRAPHIE DE RENAISSANCE

RENAISSANCE I :

1) Kings and Queens 33 t 1970 ILPS 9114 (Français) Island

2) Illusion 33 t 1971 6339017 (Français) distribution Philips Island

3) Island 45 t 1970 6014005 (Français) dist. Philips Island

ILLUSION :

1) Out of mist 33 t 1977 9101674 (Français)

2) Madonna Blues 33 t 1978 Island dist. phonogram 9123029 Island dist. phonogram

RENAISSANCE 2 :

1) Prologue 33 t 1972 SVNA 7253 (Anglais) Sovereign E.M.I.

RENAISSANCE 3 :

2) Ashes are burning 33t 1973 SVNA 7261 (Anglais) Sovereign E.M.I.

3) Turn of the cards 33 t 1974 SAS 7502 (USA) Sire Records

4) Shéhérazade 33 t 1975 BTM 1006 (Anglais) RCA distribution

5) Live at carnagie Hall 2 × 33 t 1976 SAS Y 3902/2 (USA) Sire Records

6) Novella 1977 WB 46422 (Anglais) dist. WEA

7) Song for all saisons 33 t 1978 WB K 56-460 (Anglais) Sire Records dist. WEA

ALBUMS SOLOS :

1) Annie in Wonderland 33 t 1977 SR 6046 (USA) Sire Records

 

GROUPES CITES

1) YARDBIRDS : K. Relf, J. Mac Carthy

2) NASHVILLE TEEN : J. Hawken

3) HERD : L. Cennamo

4) MEDECINE HEAD : K. Relf

5) STRAWBS : J. Mac Carthy, J. Hawken

6) WISBONE ASH : J. Tout

7) SPOOKY TOOTH : J. Hawken

8) ARMAGEDDON : K. Relf, Mac Carthy, L. Cennamo

 

BIBLIOGRAPHIE

1) Revue italienne : "Ciao 2001" 23 janvier 77 Luciano Nusca

2) Revue Canadienne : "Main mise" janvier 76 mars 77 Hervé Bammel

3) Revue Française :

RNF N° 37 p 85

RNF N° 104 p 72

RNF N° 114 p 33

Best N° 83 p 19

Atem N° 10

 

ALBUM LE PLUS REPRÉSENTATIF

Live at carnagie hall

Novella

Madonna blues